dimanche 8 juillet 2007

Genève:
"A Gauche Toute!": les raisons de la colère

C’est la crise à AGT ! Après les communistes, le Parti du Travail annonce qu’il se présentera en sous apparentement aux prochaines élections fédérales. Les " Indépendants de Gauche ", " solidaritéS " puis une assemblée d’AGT ! ont confirmé l’idée d’une liste unique.
La gauche de la gauche espère sauvegarder le siège de son élu genevois (Pierre Vanek de "solidaritéS"), l'automne prochain et préparer un retour en fanfare au Grand Conseil de Genève dans deux ans. Les objectifs sont communs, les méthodes et les tactiques préconisées sont divergeantes. Dans la plus pure tradition de la gauche, l'ambiance électrique n'anihile pas les chances de solutions plus ou moins efficaces ou précaires. Extraits d'entretiens par courriels et téléphone entre protagonistes des quatre bords.

Qu’y a-t-il d’insupportable ou de raisonnable dans le choix du PdT ?
Salika Wenger & Christian Grobet ( co-présidents des Indépendants de Gauche) (SW&CG) :
" A Gauche Toute ! "…est fondée sur une charte, comportant 13 engagements, adoptés à l’unanimité … lors d’une séance le 6 novembvre 2006… L’engagement le plus important est de présenter des listes communes pour les élections municipales, cantonales et fédérales… Sur la base… des engagements pris par les militants des quatre composantes formant AGT !, nous avons été pour le moins surpris de la décision du PdT de vouloir présenter une liste séparée pour l’élection au Conseil National, ce qui assurément décrédibiliserait les engagements pris publiquement envers notre électorat encore fragile.
Marie Eve Tejedor (secrétaire de " solidaritéS ") (MET) :
…Il s’agit de garder au minimum un siège "genevois" de la gauche de la gauche et de développer les grands thèmes qui nous unissent: contestation du capitalisme, du "tout-au-marché" et du diktat des profits, refus du démantèlement social et des privatisations, défense des salarié-e-s et des couches les plus défavorisées, lutte pour l’égalité des droits entre toutes et tous, étrangers et Suisses... refus de la politique social-libérale du PSS. Nous devons mobiliser un électorat populaire, lui donner des raisons de ne pas se tourner vers le MCG ou l’UDC… une liste unique… représente un espoir et a une crédibilité bien supérieure à l’addition des résultats de 4 listes distinctes et concurrentes, liées par un "sous-apparentement", qui relève plus d’un accord " technique", peu compréhensible par le grand public, que d’une manifestation de notre capacité d’engagement commun!...
Jérôme Béguin (secrétaire des " Communistes ") (JB) :
Les communistes et le Parti du Travail ont fait un choix raisonnable en proposant de présenter plusieurs listes sous-apparentées, comme le permet la loi électorale. Les différentes listes ont une dénomination commune et les voix s’additionnent. Ainsi, chaque composante peut mettre en avant son identité et ses propositions spécifiques, tout en faisant front commun.
Jean Luc Ardite (président du Parti du Travail) JLA :
Oui c’est la crise. Mais pas parce que le Congrès du PdT opte pour une formule à la fois unitaire et spécifique…Nous sommes favorables depuis toujours aux alliances électorales pour mieux défendre les " petits "…, nous voulons rester aussi nous-mêmes. Nous revendiquons notre appartenance à ce monde des " petits ". Nos partenaires, qui nous connaissent si bien pourtant ne se rendent pas compte que l’électoralisme n’est pas le seul moyen d’action auquel nos croyons... et que nous ne croyons pas en l’élitisme. Personne ne peut reprocher au PdT d’être calculateur, nous n’avons pas de candidat particulier à faire valoir. Elle est aussi là la crise : c’est comme au foot, nous voulons jouer collectif, d’autres ont un peu tendance à jouer " perso ". Dans la même équipe c’est toujours un problème. Dans le cas des élections fédérales, jouer collectif, c’est donner à tous les partenaires l’occasion de se montrer sous leur meilleur jour. Le sous apparentement c’est jouer collectif en assurant le résultat.

Pourquoi le sous-apparentement acceptable dans le canton de Vaud ne l’est-il pas à Genève ?
SW&CG :
La situation dans le canton de Vaud est totalement différente. Il n’y a pas eu de formation politique telle que l’Alliance de Gauche et jusqu’à présent, les diverses formations politiques à la gauche du PS n’ont fait que des apparentements occasionnels, qui sont récents…
MET :
solidaritéS-Vaud était favorable… à une liste commune. Mais les situations vaudoise et genevoise sont très différentes. A Genève, nous avons connu la division en 2005 et l’éviction du Grand Conseil… L’engagement pris de se présenter ensemble aux municipales, aux nationales, et enfin au Grand Conseil répond à une attente de la part des gens que nous défendons/représentons. C’est un engagement qu’on ne peut pas rompre à la légère, en affirmant qu’on se remettra ensemble pour le Grand Conseil "parce qu’on est bien obligés"… . Il me semble irresponsable politiquement, vis-à-vis de la population, de partir séparés dès que l’occasion se présente. L’union ne peut être à géométrie variable dans ce contexte, sauf à vouloir déboussoler complètement notre électorat.
JB :
Jusqu’à présent, le canton de Vaud représentait l’exemple à suivre. Il semblerait que la doctrine ait changé… Pourquoi ce qui est bon chez nos voisins ne le serait pas pour nous? A cette question, les représentants de solidaritéS et des Indépendants ne donnent pas de réponse crédible. Dans votre édition du 22 juin, Pierre Vanek explique qu’"à Genève, avec une liste commune, les relations avec la presse seraient simplifiées, notre crédibilité mieux assise". Il faudrait déjà arrêter de jeter le discrédit sur AGT! dans la presse comme cela a été fait après la proposition du PdT de faire un sous-apparentement.
JLA :
Ce qui est comparable entre Genève et Vaud c’est la volonté des camarades de maintenir le Parti. Dans le canton de Vaud, l’impact politique de Josef Zisyadis, le " fondateur " d’AGT ! et de cette philosophie à tendance " fusionniste " n’y change rien. Les Popistes sont logiques, ils cherchent l’équilibre et l’efficacité entre " alliance " et " différence ". Nous saluons leur approche optimiste et responsable.

Quels sont les cas de figure qui se présentent désormais ? L’alliance électorale est-elle en question ou doit-elle être renégociée ? La question électorale n’en pose-t-elle pas d’autres : l’organisation de l’alliance, sa dynamique, ses stratégies ? La vraie question n’est-elle pas que les partenaires au sein d’AGT ! se sont plus préoccupés de ce qui les sépare que de ce qui les uni ?
SW&CG :
AGT existe depuis moins d’une année. Le travail effectué en peu temps est remarquable. C’est quasiment seuls que nous avons lancé un double référendum sur les TPG et l’Aéroport ainsi que celui sur l’assistance publique (qui a hélas échoué de peu !). Dans le même temps il a bien entendu fallu se mobiliser avec des ressources humaines et financières limitées pour les élections des divers conseils Municipaux et pour les Conseils Administratifs. Tout cela nous a empêché d’approfondir les réflexions sur nos objectifs politiques et l’organisation de notre nouvelle formation politique. Nous devons indiscutablement poursuivre ce travail politique et améliorer notre fonctionnement. Par contre les principes de bases doivent être respectés. A défaut, c’est la pérennité d’AGT qui serait aléatoire.
MET :
solidaritéS maintient le cap de la liste commune AGT! avec celles et ceux qui souhaitent y participer, si des organisations persistaient à vouloir partir séparément, elles devraient assumer leur choix complètement. L’alliance électorale n’est pas à rediscuter maintenant au moment du dépôt des listes... Certes nous devons trouver des réponses nouvelles en matière d’organisation, de stratégie, de dynamique de cette alliance... Nous avons cherché, avec AGT !, à créer un cadre qui permette des débats politiques réels entre militant-e-s de nos organisations, plutôt que d’en rester à un simple cartel…c’est le sens de nos AGs de militant-e-s … notre adversaire c’est la droite: nous devons nous donner les moyens pour battre celle-ci en 2009 au Grand Conseil en y reprenant pied ensemble, en mettant l’accent sur ce qui nous unit. Cet objectif est central, pour le crédibiliser une liste aux Nationales qui fasse 10 ou 12 % est un atout qu’on ne saurait brader au nom de la volonté de chacun d’agiter son propre drapeau.
JB :
Les représentants de solidaritéS et des Indépendants doivent faire un effort, c’est une question de respect. S’ils refusent le sous-apparentement, ils porteront la responsabilité de la division et d’un probable échec.
JLA :
Je suis attentif à ce qui nous unit… collectivement. Et je ne sous-estime pas ce qui nous sépare… A Genève, nous avons une longue histoire commune entre militants de gauche… Pas toujours dans le même camp. La volonté constante du PdT de participer à des alliances politiques efficaces impose un minimum de réalisme. Je ne vis pas dans un monde de gentils progressistes qui s’offrent des fleurs tous les mercredis à la réunion d’AGT !. Je veux que mon parti soit respecté, que nos militants, qui ne sont peut-être pas tous des intellectuels ou des gens brillants, mais le plus souvent des gens courageux et dignes, soient respectés.
Nos partenaires doivent se faire à l’idée que, quand le congrès extraordinaire du PDT prend une décision, elle n’est pas négociable parce que quelques uns nous font la leçon dans les médias. La question des élections fédérales a été longuement débattue durant notre congrès. Quoi qu’en disent certains, elle est légitime.


Le PdT affirme la nécessité d’une meilleure visibilité politique pour expliquer la stratégie décidée par les délégués de son congrès extraordinaire. Cette absence de visibilité ne pose-t-elle pas des problèmes aux autres composantes ? AGT ! n’est-elles pas une " couverture " trop envahissante pour les partis de la gauche combative ?
SW&CG :
Rien n’empêche le Pdt de prendre toutes les initiatives politique qu’il souhaite à l’exclusion de listes électorales séparées conformément aux engagements qu’il a pris et à cet égard. D’ailleurs il n’a pas manqué de le faire comme il en a été de même pour les trois autres composantes d’AGT et nous ne voyons pas quel est le problème à ce sujet.
MET :
… AGT ! ne s’impose pas vraiment suffisamment pour le moment et c’est dommage! La volonté de "visibilité" du PdT est légitime, même si ce n’est pas forcément au moment des élections – et de ces élections à Genève - qu’il faut prioriser cet aspect… solidaritéS a plaidé pour que les appartenances soient indiquées sur les bulletins de vote, lors des élections municipales,… Les représentant-e-s du PdT s’y étaient opposés à l’époque... Des moyens existent… pour que chaque composante garde sa visibilité et puisse mettre en avant ses spécificités, sans pour autant faire liste à part. AGT ! peut être mise au service de la visibilité de ses organisations affiliées et servir celles-ci plus efficacement que des mini-campagnes séparées, avec un résultat décevant à la clé.
JB :
Soit nous décidons de faire un seul parti des quatre composantes et alors nous engageons un processus d’union, soit nous ne voulons faire d’AGT! qu’une alliance électorale. C’est la seconde solution qui est prônée actuellement par la quasi majorité. Dans ce cas, pour vivre nos partis respectifs ont besoin de s’affirmer régulièrement, d’où la nécessité de faire différentes listes aux élections fédérales. Aujourd’hui, ce qu’on nous propose c’est une alliance électorale dans laquelle nos partis ne peuvent pas exister. On nous propose une fusion sans alliance politique. Ce n’est pas une solution.
JLA :
AGT ! pose différents problèmes. Et le moindre est l’alliance électorale. Nous consacrons tous beaucoup de temps à un rassemblement dont la finalité n’est pas définie. Au détriment des activités pour notre parti. Et nous ne voulons ni d’un autre parti qui se créerait sans que ce soit dit, sur les ruines de nos organisations, ni d’autre chose qu’une alliance électorale… C’est compliqué. Il y a une confusion entre le projet national d’AGT !, un groupe parlementaire et son influence locale autre que technique et électorale. Dans AGT ! Genève, certains préparent l’avènement d’un nouveau parti politique. Nous ne sommes pas dupes.

Propos recueuillis, Gauchebdo, Suisse, Juillet 2007