mardi 15 janvier 2008

Afrique du sud: Le mandat social de Jacob Zuma

La devise de l’Afrique du sud pourrait être une formule mélodramatique : «A chaque jour suffit sa peine».
La presse est débordée par les informations plus importantes les unes que les autres quand elles ne sont pas plus absurdes ou plus monstrueuses que celles de la veille et bien moins que celles du lendemain. Depuis la nomination de Jacob Zuma à la présidence de l’ANC et jusqu’à l’annonce, mardi dernier, de sa candidature à la présidence de l’Etat pour succéder à Thabo Mbeiki, dont le mandat n’est plus renouvelable en 2009, il s’est passé un mois à peine. Un mois, durant lequel rien ou presque n’a été épargné aux citoyens du plus important et influent pays d’Afrique.
Les adolescents envisagent de défier le gouvernement de Prétoria en provoquant des « manifestations d’embrassades ». Ils protestent contre l’interdiction aux moins de seize ans de s’embrasser, se toucher, se « coller l’un à l’autre » en public décidée dans le cadre de la loi sur les offenses sexuelles. Derrière ce qui paraît anecdotique se profile le drame absolu qui touche le pays : L’Afrique du sud est littéralement infestée par le virus du SIDA. Le gouvernement tente d’imposer des politiques multiples… Sans succès.
Au mois de décembre 2007, 1142 personnes sont mortes sur les routes sud africaines. Dont 460 piétons. Le département des Transports annonçait avec satisfaction que le nombre de victimes avait baissé de 298 unités par rapport à l’an dernier. Selon le département, l’Afrique du sud a le plus haut niveau d’alcoolémie par buveur dans le monde.
La criminalité ne baisse pas. Le nombre de viols augmente.
Le pays profond ne voit pas le pays de l’arc en ciel s’épanouir. Ou trop lentement. Le syndicat COSATU indique qu’en 2007, la pauvreté et l’inégalité des chances restent les problèmes principaux. La création d’emploi est insuffisante. L’objectif de réduire de moitié le chômage et la pauvreté en 2014 ne serait plus réaliste. Les hausses de salaires obtenues dans différents secteurs dont le service public sont annihilées par la hausse du coût de la vie… La nomination de Jacob Zuma n’est pas due au hasard. Les militants de l’ANC veulent des solutions sociales immédiates : une accélération des programmes de construction de logements, d’accès à l’électricité, une politique contre la criminalité. Le nouveau comité exécutif de l’ANC réunit désormais des hommes fermement ancrés à gauche, dont le secrétaire général et le président du parti communiste. Ils ont clairement reçus mandat de promouvoir une politique sociale offensive. Ils ont aussi la responsabilité d’allier ce mandat à l’économie de marché.

Il y eut, le 28 décembre, l’inculpation de Jacob Zuma pour…racket, corruption, blanchiment de devises et fraudes dans un dossier de ventes d’armes. La confiance de ses amis n’en fut pas ébranlée : le syndicat COSATU, le parti communiste, la Ligue des Jeunes de l’ANC, font corps et dénoncent les manipulations « revanchardes » du Président Mbeiki, qui lui-même ne serait pas à l’abri d’une enquête dans le même dossier. Il n’est pratiquement pas de dossier politique qui ne soit judiciaire.
La démocratie sud africaine, qui célèbre son treizième anniversaire, a tout d’une adolescente un peu difficile. Mais une adolescente qui apprend vite : la démocratie fonctionne, même s’il n’est pas faux d’affirmer que le personnel politique est toujours en formation.
Contrairement à l’encadrement économique du pays, qui, peu ou prou, est resté entre les mains expertes des entrepreneurs libéraux blancs alliés à de jeunes financiers noirs issus des meilleures écoles, les militants anti apartheid ont pris leurs responsabilités dans le sillage de Nelson Mandela, au pied levé. Jacob Zuma est un zoulou autodidacte qui séduit par son bon sens populaire. Face à Thabo Mbeiki, intellectuel rigide et froid, dont le bilan social est contesté et sans doute contestable, l’homme du peuple a concentré les suffrages et les espoirs des militants. Mais tout est compliqué. Mardi soir, le chef de la brigade spéciale d’enquête, les Scorpions, Gerrie Nel était arrêté soupçonné de corruption. Curieusement, il avait mené une enquête tendant à démontrer les relations du chef de la police nationale, Jackie Selebi, avec un réseau de trafiquants de drogue. Le président Mbeiki s’est personnellement intéressé à ce dossier et les pressions se sont multipliées pour tenter d’empêcher l’inculpation de Jackie Selebi qui est actuellement… le numéro 1 d’Interpol.
Il reste un long chemin sinueux à parcourir pour que Jacob Zuma puisse tenir ses engagements pour le bien du peuple.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, janvier 2008

Suisse: Un PSS de gauche, c’est possible

Si Christian Levrat ne se dédit pas, s’il évite le piège d’une quelconque alliance, utile ou nécessaire, avec le social-libéralisme dont se réclament, plus ou moins explicitement, certains de ses amis politiques,
il pourrait bien être le… chaînon manquant, modernisateur, entre la sociale démocratie et le socialisme en Suisse.
Il est de cette gauche réelle, capable de prendre rendez-vous avec l’Histoire. Candidat à la présidence nationale du Parti socialiste, il lui faudra trouver les forces pour affirmer et imposer son combat pour plus de justice sociale dans un parti parfois trop confortablement installé dans le consensus national. Et même si, au lendemain d’une défaite électorale historique, les socialistes réclament le renforcement du parti national, il est raisonnable de considérer que l’ « axe progressiste » ne fera pas l’unanimité, loin s’en faut. Le cantonalisme et le localisme risquent de peser lourds pour empêcher ce fameux « retour aux sources », à la classe ouvrière, au monde du travail, aux salariés, prôné par Levrat et d’autres dirigeants romands. Il est presque regrettable qu’il soit le seul candidat à la présidence. Cela prive le monde politique d’une évaluation réelle de l’impact idéologique au sein du PS.
Le Conseiller national fribourgeois et dirigeant syndical se veut « carré »: « le PS doit être fidèle à ses valeurs, explique-t-il à Gauchebdo ». Et de cibler le message: Nous sommes proches du PST/POP et des autres partis de la gauche sur l’essentiel : la répartition capital-travail et la qualité du filet social. Si je suis élu à la présidence du parti socialiste, cette unité de vue améliorera nos relations avec la gauche de la gauche. Nos divergences ne sont que doctrinales. » Il est favorable à l’idée d’un salaire minimum national : « il faut surtout éviter de décrédibiliser l’idée. Evitons de nous précipiter. Consolidons le dossier. Voyons ce qui se passe dans les cantons…. ». Prudent le prochain « patron » du PS ? Surtout attentif à ne pas se brûler les ailes avant de les avoir déployées. Mais le syndicaliste qu’il est encore s’engage : « La syndicalisation des salariés est un thème prioritaire. Mais le patronat doit prendre conscience de la situation et prendre ses responsabilités. Dans certains secteurs, on touche aux limites du système. Dans l’industrie des technologies nouvelles, par exemple, il n’y a même pas d’organisation patronale avec laquelle négocier. » Et sur le thème d’un front commun entre le monde syndical et le monde politique pour maintenir les acquis sociaux, l’homme aux deux casquettes est un peu moins catégorique : « Faire front sur les questions sociétales, oui. Mais les rôles ne doivent pas être confondus. L’action syndicale doit être autonome pour être efficace. ».
Christian Levrat sait communiquer. C’est précisément ce que n’a pas su faire son organisation ces dernières années. Comme d’autres, les socialistes se sont laissés entraînés dans le sillage des stratégies de leurs adversaires. Avec pertes et fracas. C’est l’autre pari du politicien fribourgeois :
donner… envie de la gauche aux citoyens.
Le congrès du PSS aura lieu le 1 mars.
Ron Linder ; Gauchebdo, Suisse, janvier 2008