mardi 30 octobre 2007

Russie: Octobre 1917, La révolution inachevée

Lénine était encore à Zurich au mois de mars 1917, au lendemain de l’abdication du Tsar Nicolas II, quand, dans quatre courriers, il exigeait de ses camarades la préparation active de la phase « prolétarienne » de la révolution. Les soviets, ces organes révolutionnaires qui pullulaient partout dans le pays, et qui se développaient souvent de façon anarchique, devaient prendre le pouvoir par la force et mettre fin à la guerre impérialiste avec l’Allemagne. Même au prix d’une guerre civile qu’il considérait comme inévitable dans tout processus révolutionnaire. Dans ses « Thèses d’Avril » rédigées dès son retour en Russie, il attaqua encore la légitimité de la république parlementaire et du processus démocratique. Exilé en Finlande, après les manifestations réprimées de juillet, il n’abandonna pas l’idée de la nécessité d’une prise de pouvoir par la force : "En proposant une paix immédiate et en donnant la terre aux paysans, les bolcheviks établiront un pouvoir que personne ne renversera, écrivait-il. Il serait vain d'attendre une majorité formelle en faveur des bolcheviks. Aucune révolution n'attend ça. L'Histoire ne nous pardonnera pas si nous ne prenons pas maintenant le pouvoir."
La vérité est bonne à dire. Lénine dut batailler ferme au sein du parti bolchévik pour imposer l’idée de la prise du pouvoir par la force. Et ce n’est vraisemblablement pas son prétendu goût du sang et de la castagne qui le poussait à espérer et prévoir une révolution par les armes. La Russie, en automne 1917 était exsangue : le gouvernement bourgeois, issu des révoltes de février et de la chute de la monarchie, était paralysé, persévérait dans la poursuite de la guerre désastreuse contre l’Allemagne au prix de 1.600.000 morts et 6.000.000 de blessés, maintenait les privilèges des gros propriétaires terriens au détriment des paysans, se montrait totalement incapable de faire fonctionner les corps de l’Etat, l’administration, la police, l’économie. L’armée, composée essentiellement de paysans allait de défaite en défaite : de juin à octobre 1917, près de deux millions de soldats désertèrent.
La société dut concevoir les conditions de son autonomie. Dès février 1917, les comités d’usine, de soldats, les soviets de quartiers, les milices ouvrières se multiplièrent et s’organisèrent tant bien que mal. Certains dirent que ce fut une « fête de liberté », d’autres constatèrent l’anarchie.
Les Bolcheviks craignaient l’anarchie. Depuis la création de leur parti en 1903, ils avaient opté pour une stratégie volontariste en rupture avec l’ordre existant. Lénine, dans les semaines qui précédèrent la prise du Palais d’Hiver, s’en tint à cette analyse. La révolution lui semblait la solution évidente. Mais il développa un point de vue nouveau : dans son essai "L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme". Il envisageait la révolution non dans le pays où le capitalisme était le plus fort, mais dans un État économiquement peu développé comme la Russie, à condition que le mouvement révolutionnaire y fût dirigé par une avant-garde disciplinée, prête à aller jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu’à la dictature du prolétariat et la transformation de la guerre impérialiste en une guerre civile.
La Révolution d’Octobre eut lieu… en toute logique léniniste. Elle fut, compte tenu des événements géopolitiques, un moindre mal. Et, compte tenu, de la misère des travailleurs et paysans russes, l’objet d’un espoir raisonnable. La fin de la guerre avec l’Allemagne, la redistribution des terres, en attendant leur impopulaire collectivisation quelques années plus tard, la réorganisation de la société malgré la guerre civile, le soutien militaire des pays occidentaux aux armées blanches, l’isolement économique international, le cumul d’événements dramatiques et les situations complexes ou inextricables rendirent les objectifs des communistes difficiles à atteindre. Une bureaucratie lourde, héritière d’institutions tsaristes, développée au rang de classe sociale dominante puis de corps quasi autonome d'un pouvoir sans énergie , la nécessaire mais périlleuse et perverse sécurisation du pays, au prix de nombreuses libertés individuelles, la tentation nationaliste russe au détriment des républiques et peuples allophones de l’Union soviétique creusèrent le fossé empêchant les idées de la Révolution d’avancer.
Il n’en demeure pas moins que, dans toute l’Europe, cette révolution, dont l’importance est contestée par ceux qui, précisément, contestent le principe de la justice sociale vue « d’en bas », fut un des moteurs des luttes ouvrières, syndicales et politiques pour une société plus juste. Elle fut bien entendu imparfaite mais rendit indubitablement service à l’Humanité.
Mais surtout, et peut-être est-ce cela qui lui attire encore la haine des « bien –pensants », la Révolution d’Octobre est inachevée. Avec d’autres moyens, d’autres stratégies, une autre approche du bien public, du bien commun, les idées généreuses d’une révolution populaire peuvent encore servir les intérêts des femmes et des hommes soumis au pouvoir du capitalisme violent, barbare. A nous d’inventer les façons de la mener avec des valeurs nouvelles. Rien ne dit qu’il ne faudra pas, un jour ou l’autre, reprendre d’assaut un Palais d’Hiver, symbolique ou non, pour mettre fin à un pouvoir absolu imposé et inacceptable. Nous saurons alors choisir les meilleures armes de cette démocratie que nous concevons.
« Socialisme ou barbarie » disait Rosa Luxembourg. Socialisme devons-nous répondre encore et toujours !
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, Novembre 2007

Espagne: No Passaran !

Ce numéro de Gauchebdo offre une place importante aux événements de l’Histoire. Comment penser l’après, ignorant l’avant ?
Le sens de l’Histoire tient lieu de lettre d’introduction à celles et ceux qui ne réduisent pas la planète et la vie de ses habitants à un monopoly réservé aux plus malins des boursicoteurs… en herbe puisque nous vivons une époque « écologique ».
Les parlementaires espagnols, pour envisager l’avenir, ont voulu assurer le passé. Ils ont adopté la loi sur la « mémoire historique », reconnaissant ou réhabilitant les victimes du franquisme. Cela n’allait sans doute pas de soi, puisque la loi a été adoptée au Cortès par 185 voix contre 137. Cette loi est très précise : elle vise à la « réparation morale » et au « rétablissement public de la mémoire des victimes des persécutions politiques, idéologiques ou religieuses durant la guerre civile et la dictature de Fransisco Franco ». Le parti écolo-communiste a veillé à ce que soit incluse dans le texte de loi, une condamnation officielle du régime franquiste, mais n’a pas obtenu l’annulation des jugements sommaires prononcés par les tribunaux militaires qui décidèrent de cinquante mille exécutions.
La droite espagnole dit pi que pendre de cette loi, qui rompt, selon elle, l’héritage qui a permis la transition démocratique du pays. Par contre la même droite est toute émue par la béatification, par le pape Benoît XVI, de 498 religieux exécutés par le camp républicain durant cette même guerre civile. 498 martyrs, précise le Vatican, mort pour leur foi et leur « amour du Christ ». Parce qu’il ne semble pas que les religieux proches de la République espagnole, assassinés par les fascistes de Franco, puissent avoir été victimes de mécréants. Ils ne devaient pas aimer Jésus, eux, puisqu’ils fricotaient avec les Rouges.
L’Ayatollah Benoît XVI ne rate pas une occasion pour faire valoir l’évidence : la politique du pire n’a pas de secret pour lui. Et en Espagne, son action bienfaitrice va droit au cœur de l’épiscopat local qui conteste la nouvelle loi scolaire votée au Cortès en septembre dernier, et précisément, le développement du cours d’ « Education à la citoyenneté ». Il s’agit en l’occurrence d’enseigner aux collégiens espagnols des notions sur le fonctionnement des institutions, l’égalité entre les sexes, la lutte contre les préjugés homophobes, raciaux ou religieux, la diversité culturelle, la globalisation, la consommation responsable et la sécurité routière…
Bref, tous en cœur, chantons : A bas la calotte…
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, novembre 2007

Suisse: les médias et la gauche: Cherchez l’erreur !

Les journaux romands jouent la transparence... à gauche. La "rocade" entre l'élue vaudoise du POP, Marianne Huguenin et ce "vieux-cheval-toujours-sur-le-retour", Josef Zisyadis, battu de 800 voix aux élections fédérales, tient lieu de roman d'automne dans la presse.
Un parti marginalisé par les électeurs fait les choux gras de la presse bourgeoise. Cherchez l’erreur ! Le PST/POP n’est pas à proprement parlé, sorti vainqueur des dernières élections fédérales. La seule élue de la gauche de la gauche, Marianne H.… est devenue le seul élu de la gauche de la gauche, Josef Z.. Et la presse commerciale, souvent de qualité, y trouve à la fois à redire mais aussi matière à faire la leçon « aux communistes » ou à « l’extrême gauche ». Elle aurait tort de se gêner la « grande presse », puisque la corde pour pendre la gauche combative est souvent gracieusement fournie par les militants.
La « pipolisation », la médiatisation des personnes au détriment de leurs idées pose problème. Surtout quand, comme c’est le cas chez les progressistes, les idées ne manquent pas. Encore faut-il ne pas dire que cela pose problème et, en même temps, prendre le risque d’en « remettre une couche » en se faisant aimablement manipuler. La presse fantasme toujours un petit peu à l’idée de jouer un vilain tour « à l’ogre communiste ». Les « petits meurtres entre amis de gauche » lui conviennent. Il ne s’agit pas d’un débat d’idées mais de l’utilisation des positions ou des états d’âme de nos propres amis… avec un objectif évident : décrédibiliser la gauche. C ’est dans l’air du temps. Il faut s’y faire mais ne pas s’y habituer.
Gauchebdo, bien moins puissant que la presse bourgeoise, suggère le débat au lieu des petites phrases assassines des uns et des autres. Nos colonnes sont ouvertes aux opinions et aux idées.
RLr, Gauchebdo, Suisse, Novembre 2007

Suisse: Le choix de Marianne

J’aime bien Marianne Huguenin. Son militantisme, les batailles politiques et publiques qu’elle a menées à tous les niveaux de responsabilités locales ou nationales en ont fait un personnage crédible et, dans toute l’acception du terme, honorable. Sa réélection au Parlement, dans la grisaille des résultats décevants pour notre Gauche, m’avait fait plaisir. Sa décision, exprimée dans une lettre ouverte sur le site du POP vaudois, de céder - mais confier serait le mot juste - son siège à Josef Zisyadis, révèle que la militante, la syndique de Renans a pour principale qualité d’être un être humain soucieux de ses limites.
Camarades, c’est à vous que cet éditorial s’adresse, nous parlons du seul et unique siège à gauche du parti socialiste. Un siège de survie, le temps de repenser notre action et de retourner auprès des citoyens pour expliquer pourquoi ils doivent nous faire confiance. Il ne s’agit pas seulement d’y poser ses fesses pendant quatre ans, c’est un poste d’observation et de combat. Marianne a décidé de faire front depuis sa ville de Renans pour freiner ou arrêter l’avance de l’extrême droite. Honni soit qui mal y pense. Sa décision est décente même si ses amis et ses supporters sont déçus. Il est vrai que si son successeur avait été n’importe qui sauf Josef Zisyadis, personne n’y aurait trouvé trop à redire.
Josef Z. ne fait pas l’unanimité parmi les siens, il est autant honni qu’aimé des médias bourgeois, et sa façon de faire énerve. Sans doute parce que son omniprésence, depuis tant d’années, a lassé celles et ceux qui voudrait voir cette gauche qu’il représente morte et enterrée.
Le désamour entre Josef Zisyadis et Gauchebdo est notoire. Mais nous ne nous trompons pas de combat. S’il est bien un homme susceptible de rendre service à la gauche combative, c’est Josef Zisyadis à Berne. Sa personnalité, son expérience… se tendance à se battre seul, son sens du spectacle et sa sensibilité politique en font un «sniper» idéal, un tireur embusqué en territoire ennemi. Le pacifiste qu’il est ne nous pardonnera sans doute pas ces références guerrières, mais l’essentiel est que le siège de Marianne, notre siège, soit bien défendu.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, novembre 2007

Suisse: A la recherche du P.S.ychologiquement correct

Affaibli électoralement, le Parti socialiste suisse voudrait penser plus à gauche, plus social, pour reconquérir la vox populi qui lui échappe et lorgner encore et toujours sur sa droite pour rester, autant que faire se peut, dans la foulée des partis gouvernementaux. Il affiche une schizophrénie politique qui se veut pragmatique. Et « pragmatique », c’est le surnom que se donne en Suisse ou ailleurs, tout social démocrate qui se respecte. S’ils se laissaient aller à une quelconque inadéquate immodestie, certains socialistes s’afficheraient comme « Pragmatiques Sociaux », PS. Sauf que leur pragmatisme, parce que l’idée de plaire à tout le monde et de ratisser large après la déconvenue du 21 octobre ne les quitte pas, risque de les rendre moins attentifs encore aux revendications populaires et aux batailles à venir pour le maintien des acquis sociaux. Le pragmatisme des socialistes, au lendemain de leur défaite, se résume à reconsidérer leur « public-cible » et à le reconquérir. En laissant peut-être les plus marginaux, les citoyens les moins « économiquement centristes » succomber sous les slogans xénophobes et d’exclusion de l’UDC. Parce que, outre, la puissance communicatrice de l’UDC, ses budgets astronomiques, ses thèmes de campagne populistes, désastreux, ignominieux mais efficaces, ce qu’il conviendrait de retenir du scrutin fédéral, c’est l’absence de projets et de propositions des socio-démocrates. Ni projet de société, ni proposition sociale, économique, sociétale ou culturelle qui puisse voir le jour à court ou moyen terme. Et ce n’est pas un hasard. Le PS est un parti individualiste. Ses candidats ont mené des campagnes personnelles. L’image plus sociale des candidats romands était sans doute plus adéquate que le caractère urbain et bourgeois des discours de leurs collègues alémaniques, mais ce n’est pas le Parti socialiste qui a mené une campagne plus ou moins à gauche.

Le PSS fait presque cavalier seul à gauche de l’échiquier politique du pays. Les Verts glissent vers la droite malgré quelques résistances internes. L’extrême gauche et le PST survivent difficilement. Les mouvements alternatifs et syndicaux sont trop faibles. Garant autoproclamé des valeurs sociales et laïques, le PSS entend participer au pouvoir. En même temps, il est le relais législatif social indispensable pour empêcher, ou tenter d’empêcher, la droite de se vendre totalement aux patrons.
A moins que la gauche de la gauche ne retrouve au plus vite une place digne de ce nom dans le débat politique, rien ne changera. Et beaucoup dépendra, à gauche, d’un parti socialiste ballotant au gré des personnalités plus que des idées fondamentales. Pourtant, le PSS devra concevoir, créer son propre avenir. Nulle part, en Europe il ne trouvera une situation hégémonique équivalente à la sienne. Partout, à la gauche de la social démocratie, le mouvement social, alternatif ou politique est plus actif et mieux représenté qu’en Suisse.
Le SPD allemand, tente de se réveiller d’une longue période de compromission, de… pragmatisme pourrait-on écrire. L’émergence du parti résolument progressiste, Die Linke, rappelle les socio démocrates allemands à une autre forme de réalisme en revenant aux notions élémentaires de « socialisme démocratique » et d’ « Etat social prévoyant ». En Italie, le nouveau Parti démocrate doit compter avec des centrales syndicales et des partis communistes actifs. Même en Grande Bretagne, en Espagne ou en France, en Grèce, au Portugal, la social démocratie a des comptes à rendre à la gauche politique, associative ou syndicale. Aux Pays-Bas, en Belgique, dans les pays nordiques, se sont les syndicats qui, le cas échéant, rappellent les socialistes à l’ordre.
Le PSS se retrouve dans une de ces configurations historiques : revenir collectivement à des valeurs et des messages essentiels pour une justice sociale évidente dans un pays riche. Ce sera le prix à payer pour cesser de perdre. Au lieu du mot pragmatique, les camarades du PSS devraient peut-être s’intéresser à nouveau au terme : « solidaire ». C’est un mot très concret aussi, et, bien compris, très efficace.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, novembre 2007

Suisse: Révolution culturelle à la tessinoise ?

La section tessinoise du Parti Suisse du Travail a changé de nom sans demander l’avis des camarades des autres cantons. Il existe donc, désormais, un Parti communiste, section tessinoise du PST. Dans l’enthousiasme local et sous le regard désapprobateur mais résigné de la direction nationale du Parti.

Partout en Europe, les partis communistes réfléchissent à une évolution nominale sinon idéologique. Le PC Italien s’est scindé et sa majorité fait un curieux, et parfois douloureux, « coming out » social démocrate, emportant avec elle les bijoux de famille, tel que le quotidien historique du Parti, « l’Unita ». Deux partis, Rifondazione Comunista et le parti des Communistes italiens se partagent l’électorat ébranlé et réduit, ouvertement marxiste. Le PDS allemand, allié à d’autres forces de gauche non communiste au sein d’une nouvelle organisation, die Linke, tente de redynamiser la frange progressiste de la population tandis qu’un minuscule Parti communiste allemand réunit quelques adversaires de la fusion. Le PC espagnol anime la coalition « Gauche Unie » avec des écologistes et des mouvements associatifs...
Seul, souvent comme un bateau ivre, le PC Français sauvegarde son identité et conserve à la fois une image et une spécificité. Mais le quotidien communiste « l’Humanité », depuis longtemps, n’arbore plus le marteau et la faucille et les tentatives, très souvent malheureuses, d’alliances et de d’union de la gauche sont nombreuses. Presque partout donc, y compris dans les pays où les partis communistes n’ont pas ou plus joué un rôle prépondérant dans la vie politique, l’identité des communistes s’implique dans un projet progressiste, au nom de l’efficacité, quand ce n’est pas au nom de la vision prosaïque selon laquelle le marxisme, même revu et corrigé, mérite de survivre au poids de l’Histoire.

Pendant que les partis communistes se cherchent ou trouvent des portes de sortie plus ou moins honorables, la section tessinoise du PST redessine le mot communiste en guise de signature. Le poids de l’Histoire serait moins lourd que l’avenir possible du socialisme, disent en substance les Jeunes Progressistes, à l’origine de la démarche : « Pourquoi ne pas être ce que l’on prétend si souvent, un parti communiste, explique Leonardo Schmid, l’un des animateurs de la section tessinoise. Un parti qui puisse travailler en s’appuyant sur des théories claires et adaptées. Nous ne sommes ni des nostalgiques ni des conservateurs de gauche. Je comprends les doutes de ceux qui, par rapport à l’histoire du socialisme réel, ne se reconnaissent pas comme communistes. Nous savons ce qu’a été le socialisme réel, ses fautes, ses erreurs. Mais l’avenir ne repose pas sur le socialisme réel de l’Union Soviétique. Notre génération aspire à un communisme aguerri. Nous cherchons une voie pour arriver à une société nouvelle. Nous revendiquons une société différente. Dépasser le capitalisme n’est pas suffisant. »
Le changement de nom ne fut néanmoins pas unanimement apprécié. Norberto Crivelli, le dirigeant « historique » du Parti tessinois, mit ses camarades en garde contre toute forme de précipitation, rappelant l’importance et le caractère rassembleur du Parti du Travail.
Dans une contribution sévère au congrès extraordinaire, Norberto Crivelli fit appel au sens des réalités des Jeunes Progressistes, à la solidarité nécessaire au sein du PST, et à sa crainte d’assister à une tentative de scission d’un groupe de militants. Rien n’y fit, les délégués tessinois votèrent le changement à une forte majorité. « On en avait besoin, affirme Leonardo Schmid. Nous ne sommes pas le petit frère, un peu malade, du PS, comme l’écrivent certains responsables du parti. Nous ne voulons pas tirer le PS à gauche, ce n’est pas l’objectif. On a fait notre révolution culturelle. Nous voulons un parti qui crée son propre discours politique, qui conserve son identité et qui ne se laisse pas mener par le discours de la droite. Quant au nom, celui du Parti du Travail n’interpelle pas les gens dans le Tessin. Le mot « travail » pose problème. Nous sommes communistes. Disons-le. Je ne vois par ailleurs pas où est le problème pour le parti suisse. Nous restons tous militants du PST. Mais la vérité est que le Parti ne nous a pas apporté les réponses aux questions que nous posons. Les formations sont inexistantes. Nous sommes livrés à nous-mêmes. Mais en attendant, des dizaines de jeunes militants nous ont rejoints. On ne va quand même pas attendre que la direction nationale s’aperçoive de notre existence. Nous sommes un petit parti, notre situation est très différente que dans les autres sections cantonales au passé plus glorieux. Dès que nous avons annoncé le changement de nom… il faut bien reconnaître que nous avons existé aux yeux des dirigeants de partout. Josef Zisyadis nous a envoyé un mail pour contester notre décision. D’autres aussi s’expriment. Ce pourrait être un point de départ intéressant pour le parti. Ce n’est pas un parti très uni. Un débat de fond lancé depuis le Tessin, ce serait nouveau. »
Un débat ? « absolument, dit Josef Zisyadis, le dirigeant vaudois. Ce changement de nom est un choix politique inadapté et dangereux qui remet en question le fondement du Parti du Travail. Nulle part dans nos statuts n’apparaît le mot communiste, précisément parce que trois sensibilités politiques en sont à l’origine. Qui plus est, ces statuts ont évolué et des termes comme « dictature du prolétariat » ou « centralisme démocratique » en ont été retirés. Je suis favorable à un débat national parce que d’importantes questions de notre Histoire doivent d’être traitées. »
A Genève, René Ecuyer, qualifie le choix tessinois « d’erreur ». « Changer de nom ne clarifie rien. On en revient à la fameuse phrase : « l’étiquette ne fait pas le contenu ». Cela me rappelle le cas du mouvement des jeunes du PST, la Jeunesse Libre qui se transforma en 1973 en Jeunesse communiste. Sans grand succès… » L’ancien Conseiller national Jean Spielmann semble moins concerné et moins alarmé: « ce n’est pas un handicap particulier pour le parti ».
La contribution de Norberto Crivelli exprimait des craintes de scission et interrogeait la finalité de la démarche des Jeunes Progressistes. Si Leonardo Schmid confirme la totale adhésion de la section au PST, il reste que la visite de militants tessinois aux communistes genevois, des formations au marxisme, à Genève, structurées par des formateurs proches du PTB, un parti communiste issu de la mouvance maoïste, des liens avec le Parti des Communistes italiens, adversaire de Rifondazione, ont de quoi laisser perplexe. « Le PST n’assure aucune formation. Aucune, rien, nada. Nous sommes deux à avoir assisté à des formations organisées par Chemarx, à Genève. Et oui, l’organisation du PTB nous semble une bonne base pour nous structurer. Nous sommes plus proches du PdCI que de Refondazione parce que nous croyons plus en la modernité du premier qu’au conservatisme du second. Au congrès du parti, j’ai dit qu’il fallait créer un nouveau parti communiste en Suisse, avec une organisation nouvelle. On ne peut pas me reprocher d’être logique. Il est tout aussi logique de chercher à se former. A défaut d’une formation de qualité du PST, nous allons là où ou nous trouvons la qualité. Que chacun prenne ses responsabilités dans ce domaine. »
« Surtout pas de vague, rétorque Nelly Buntschu, la présidente du PST. Nous prenons acte de la décision des Tessinois. Cela ne veut pas dire que nous l’apprécions. Mon leitmotiv, je ne m’en cache pas, c’est : pas de scission ! »
« Les Jeunes Progressistes ne sont pas marqués par la guerre froide, analyse Anoushka Weil, dirigeante du PST. Ils ne sont pas non plus liés à la tradition de notre parti. Ils nous offrent l’occasion d’un débat dont il ne faut en aucun cas faire l’impasse. Leur notion du communisme est différente. Ils ont ma sympathie, mais, leur décision n’est peut-être pas la meilleure des idées pour le moment.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, novembre 2007

Suisse: La gauche condamnée à exister

Tout est dit sur la défaite électorale des gauches, la victoire de la droite musclée, le tassement des conservateurs de toutes obédiences.Les médias du monde découvrent une Suisse encline à se vautrer dans la fange réactionnaire. Les neiges éternelles des sommets alpins seraient plus grises que blanches. Pourtant, s’il est vrai que Blocher a fait fureur le 21 octobre, les Suisses n’ont été que fidèles à eux-mêmes : résolument conservateurs. 70 % des électeurs n’ont pas voté à gauche. Comme d’habitude. La «ratatinade» de la petite gauche, nommons-la ainsi le temps qu’elle se remette de ses émotions, n’est qu’un épiphénomène qui s’inscrit parfaitement dans l’espace politique européen. L’ennui est que la pensée et l’idéologie de l’extrême droite pénètrent les esprits plus profondément encore que les résultats électoraux ne le laissent supposer, dans toutes les couchesde la population. Il est prévisible, désormais, que le raisonnement politique ne repose plus sur la recherche d’un consensus social quelconque. La grille de lecture de la vie politique se lira de droite à l’extrême droite et l’ultra-libéralisme fera office de mètre étalon de la pensée. La Suisse sera le laboratoire européen de l’Etat-au-service-de-la-finance-et-des-entrepreneurs. Dans ce laboratoire, les citoyens seront les cobayes.
Les gauches ont joué les seconds couteaux. Concurrents, socialistes et Verts ont cherché à se rendre crédibles… vus de droite. Les écologistes étaient meilleurs dans cet exercice et les électeurs socialistes ont peu apprécié l’encanaillement de leurs politiciens. Dans les cantons francophones où elle influence encore un tant soit peu la vie publique, la gauche de la gauche n’a pas inventé le fil à couper le beurre. L’honorable prestation du POPsol à Neuchâtel n’efface pas les résultats médiocres à Genève et dans le canton deVaud, ni les difficultés relationnelles entre les formations progressistes. La gauche combative a trop tendance à jouer les DonQuichotte dans un monde où les moulins à vent sont les immeubles sécurisés des entreprises du Swiss Market Index. Elle est condamnée à rejeter les règles du jeu imposées, sans coup férir par la droite, à présenter son propre agenda, à imposer le terrain d’action. Les grèves des ouvriers du bâtiment démontrent que les travailleurs ne restent pas inertes devant l’arrogance patronale.
Pour exister, la gauche doit, au moins, ne pas être l’ombre d’elle-même.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, Octobre 2007

Suisse: Les voix qui valent de l'or

Les milieux bancaires et financiers, ceux de l’industrie, de la construction, des PME, de la pharmacie, des assurances privées, les milieux agricoles et le patronat sortent renforcés du scrutin fédéral. Selon le Temps du 25 octobre, les lobbies patronaux vont connaître une législature facilitée par l’élection de nombreuxdéputés «amis» ou redevables. On se demande d’ailleurs s’il ne serait pas plus simple de présenter au suffrage des électeurs un parti des banques, un parti des patrons ou le parti de la construction… Cela donnerait une meilleure visibilité au parti des travailleurs. De nombreux élus occupent des fonctions dans les conseils d’administration de groupes financiers, d’institutions ou d’associations corporatistes. Certains, nettement moins nombreux, sont proches des organisations syndicales. Un travailleur vaudois pourrait avoir voté pour un élu représentant prioritairement les intérêts patronaux et une chômeuse bâloise aura accordé son suffrage à un champion des intérêts des assureurs privés. En connaissance de cause?
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, octobre 2007

samedi 20 octobre 2007

Suisse: Pour un programme commun minimum des gens de gauche

Mes divergences avec Josef Zisyadis (Z-blogue) sont nombreuses. Nous ne parlons pas toujours la même langue, lui, le dirigeant politique du PST le mieux élu depuis longtemps et moi, militant communiste genevois, membre permanent de la rédaction de Gauchebdo, journal dont il pense du mal.
A entendre le mot communisme, il sort son revolver (bien qu'il soit un adepte d'une Suisse sans armée et un pacifiste avéré) et moi mon drapeau rouge ( quoique je me félicite de l'existence d'une armée de conscrits et considère l'action armée comme une option extrême mais possible dans le combat pour plus de justice sociale). Il prône la création d'un grand petit parti à la gauche de la social démocratie pendant que j'imagine une force progressiste arrimée à un Parti du Travail communisant restructuré, refondé, réorganisé.
Mais l'hiver politique sera difficile et long en Suisse et partout ailleurs. Les convictions que je partage avec le chef du POP vaudois, contre le fascisme, pour la justice sociale, pour une société plus sereine et moins arrogante, constituent un "programme commun minimum", qui, s'il n'efface aucuns de nos désaccords ni nos conflits potentiels, impose le combat commun, l'alliance.
Il nous faudra bien du talent et une volonté politique avérée pour, dans les semaines à venir, au lendemain des élections et dans le flou qui caractérise le discours et l'action des partis de gauche dont le PST, ne pas faire semblant de rien, penser l'avenir, rebâtir une gauche combative sans être tentés par les règlements de compte primaires.
Je suis pour la refondation du Parti du Travail, pour son évolution vers un projet communiste moderne. Mais pas sans Zisyadis, Huguenin et tous ceux qui pensent autrement. Et s'il faut mettre de l'eau dans mon vin rouge pour contribuer à l'unité au sein du parti, j'en mettrai. De l'eau avec des bulles, de la minérale, pas de l'eau stagnante.

Le danger du fascisme n'est pas un leurre. Je fais partie de la génération des enfants du hasard, j'ai la mémoire...à vif . Je crois en la possibilité d'un monde meilleur, au bien commun plutôt qu'au bien individuel.
Le communisme d'avenir est une voie ambitieuse pour une société pacifiée. Tant pis pour ceux qui n'entendent par ce mot que le pire, alors qu'il n'a de sens que dans ce qu'il exprime de meilleur. Mes idées , et celles de mes camarades n'ont d'efficacité que dans la mesure où elles brisent le mur de l'indifférence de la population. Seuls nous ne sommes nulle part. Divisés, nous n'existont plus.

dimanche 14 octobre 2007

APPEL AU VOTE: Le 21 octobre, en Suisse, votez résolument à gauche !

En Suisse, le 21 octobre, VOTEZ résolument à gauche. Pas seulement CONTRE le fascisme rampant et l'individualisme forcéné, mais aussi POUR PLUS DE JUSTICE SOCIALE. POUR UNE JUSTICE SOCIALE QUI EXCLUT L'EXCLUSION.


A GENEVE ACCORDEZ VOTRE CONFIANCE AUX CANDIDATS COMMUNISTES DU PARTI DU TRAVAIL (LISTE 13)

DANS LE CANTON DE VAUD, SOUTENEZ LA LISTE POP (AGT!)

ET DANS LE RESTE DE LA SUISSE, LES LISTES "A GAUCHE TOUTE!" ET LEURS ALLIES

CESSEZ DE CROIRE QUE VOTER UTILE C'EST VOTER POUR LES PUISSANTS.

lundi 1 octobre 2007

Suisse: Biographie de Léon Nicole: André Rauber ne partage pas l'analyse freudienne "tuer le père" et réponse...

Dans un courriel à Gauchehebdo qui paraîtra cette semaine, André Rauber émet des réserves quant à mon commentaire sur sa biographie de Léon Nicole:

extrait:
"Je voudrais également souligner que je ne partage pas « l’analyse freudienne » (Tuer le père !) de l’auteur de l’article pour expliquer le conflit qui aboutit, en 1952, à la séparation puis à l’exclusion de Léon Nicole du Parti du Travail. A la lecture de mon ouvrage, qui retrace le cheminement personnel et politique précis du leader ouvrier genevois, chacun pourra affiner son analyse du « phénomène Léon Nicole ».

André Rauber "


ma réaction:
Prendre la mesure de l'Histoire
Les précisions d'André Rauber sont précieuses et importantes tant les événements qui ont marqué la vie politique de Léon Nicole ont été complexes. L'auteur de sa biographie ne s'associe pas au titre du commentaire qui accompagnait son interview, dans Gauchebdo de la semaine dernière. André Rauber a cherché à maintenir son travail dans le cadre strict d'une recherche historique. Le rôle du commentateur n'est pas le même: plus de soixante ans après la mort du chef socialiste genevois, il n'est pas inutile de situer son action, ses choix, ses attitudes, à une aulne plus contemporaine. Léon Nicole fut sans aucun doute un monument du socialisme suisse, il n'est n'est plus l'icône. C'est aussi la conclusion d'André Rauber qui cite Primo Levi et sa suggestion de ne suivre aucun prophète.
la formule "il fallait tuer le père" utilisée dans mon commentaire, n'était pas seulement une référence freudienne et l'article lui-même ne se revendiquait pas d'une école psychanalitique.
La référence à la pensée de Freud - qui me semble cohérente dans le contexte de l'époque - se doublait surtout et prioritairement d'un constat politique, pas d'une analyse. Le livre de Rauber et mes conversations avec de Michel Buenzod qui côtoya Léon Nicole, ne démentent pas que ses convictions socialistes incontestables, son intégrité inébranlable, étaient souvent empêtrées dans un entêtement dont beaucoup déjà, dès 1945, un an après fondation du Parti du Travail, s'inquiétaient.
Mon commentaire visait à rappeler l'intelligence et le courage politique des dirigeants du Parti du Travail quand ils votèrent l'exclusion de Léon Nicole. Compte tenu de la puissance politique du personnage, de sa popularité, de son importance au sein du Parti, la formule "il fallait tuer le père" est-elle exagérée?
Je partage l'avis d'André Rauber: il convient de lire son livre. Pour prendre la leçon et la mesure de l'Histoire.
Ron Linder