mardi 30 octobre 2007

Suisse: A la recherche du P.S.ychologiquement correct

Affaibli électoralement, le Parti socialiste suisse voudrait penser plus à gauche, plus social, pour reconquérir la vox populi qui lui échappe et lorgner encore et toujours sur sa droite pour rester, autant que faire se peut, dans la foulée des partis gouvernementaux. Il affiche une schizophrénie politique qui se veut pragmatique. Et « pragmatique », c’est le surnom que se donne en Suisse ou ailleurs, tout social démocrate qui se respecte. S’ils se laissaient aller à une quelconque inadéquate immodestie, certains socialistes s’afficheraient comme « Pragmatiques Sociaux », PS. Sauf que leur pragmatisme, parce que l’idée de plaire à tout le monde et de ratisser large après la déconvenue du 21 octobre ne les quitte pas, risque de les rendre moins attentifs encore aux revendications populaires et aux batailles à venir pour le maintien des acquis sociaux. Le pragmatisme des socialistes, au lendemain de leur défaite, se résume à reconsidérer leur « public-cible » et à le reconquérir. En laissant peut-être les plus marginaux, les citoyens les moins « économiquement centristes » succomber sous les slogans xénophobes et d’exclusion de l’UDC. Parce que, outre, la puissance communicatrice de l’UDC, ses budgets astronomiques, ses thèmes de campagne populistes, désastreux, ignominieux mais efficaces, ce qu’il conviendrait de retenir du scrutin fédéral, c’est l’absence de projets et de propositions des socio-démocrates. Ni projet de société, ni proposition sociale, économique, sociétale ou culturelle qui puisse voir le jour à court ou moyen terme. Et ce n’est pas un hasard. Le PS est un parti individualiste. Ses candidats ont mené des campagnes personnelles. L’image plus sociale des candidats romands était sans doute plus adéquate que le caractère urbain et bourgeois des discours de leurs collègues alémaniques, mais ce n’est pas le Parti socialiste qui a mené une campagne plus ou moins à gauche.

Le PSS fait presque cavalier seul à gauche de l’échiquier politique du pays. Les Verts glissent vers la droite malgré quelques résistances internes. L’extrême gauche et le PST survivent difficilement. Les mouvements alternatifs et syndicaux sont trop faibles. Garant autoproclamé des valeurs sociales et laïques, le PSS entend participer au pouvoir. En même temps, il est le relais législatif social indispensable pour empêcher, ou tenter d’empêcher, la droite de se vendre totalement aux patrons.
A moins que la gauche de la gauche ne retrouve au plus vite une place digne de ce nom dans le débat politique, rien ne changera. Et beaucoup dépendra, à gauche, d’un parti socialiste ballotant au gré des personnalités plus que des idées fondamentales. Pourtant, le PSS devra concevoir, créer son propre avenir. Nulle part, en Europe il ne trouvera une situation hégémonique équivalente à la sienne. Partout, à la gauche de la social démocratie, le mouvement social, alternatif ou politique est plus actif et mieux représenté qu’en Suisse.
Le SPD allemand, tente de se réveiller d’une longue période de compromission, de… pragmatisme pourrait-on écrire. L’émergence du parti résolument progressiste, Die Linke, rappelle les socio démocrates allemands à une autre forme de réalisme en revenant aux notions élémentaires de « socialisme démocratique » et d’ « Etat social prévoyant ». En Italie, le nouveau Parti démocrate doit compter avec des centrales syndicales et des partis communistes actifs. Même en Grande Bretagne, en Espagne ou en France, en Grèce, au Portugal, la social démocratie a des comptes à rendre à la gauche politique, associative ou syndicale. Aux Pays-Bas, en Belgique, dans les pays nordiques, se sont les syndicats qui, le cas échéant, rappellent les socialistes à l’ordre.
Le PSS se retrouve dans une de ces configurations historiques : revenir collectivement à des valeurs et des messages essentiels pour une justice sociale évidente dans un pays riche. Ce sera le prix à payer pour cesser de perdre. Au lieu du mot pragmatique, les camarades du PSS devraient peut-être s’intéresser à nouveau au terme : « solidaire ». C’est un mot très concret aussi, et, bien compris, très efficace.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, novembre 2007