jeudi 22 février 2007

France: Bayrou…le cheval de Troie de la droite?

Le théorème politique de Bayrou existe : le centre est la gauche extrême de la droite et la droite extrême de la gauche . C’est l’option graphique du phénomène. Sa version physique étant le centre émerge quand ses extrêmes immergent.
Dans les faits, outre les sondages auxquels il croyait peu naguère, et sans doute trop aujourd’hui, François Bayrou, chef peu contesté des démocrates chrétiens français, n’a absolument aucune assurance que son O.P.A. (offre public d’achat) sur un électorat modéré peu enthousiasmé par les performances du duo Royal-Sarkozy, fonctionne à plein rendement. Le centre est le lieu politique au sein duquel il est possible d’envisager un peu de tout pour peu que la gauche et la droite ne proposent rien ou pas grand-chose.

Le candidat Bayrou est indéniablement humaniste, ouvert, contradictoire sans complexe. Il ne fait pas le bilan de ses balbutiements politiques dans l’ombre de Giscard d’Estaing, des années passées dans le gouvernement de Balladur où il tenta, en vain heureusement, d’augmenter le financement de l’enseignement privé, de son hostilité au parti socialiste aux grandes heures des coalitions mitterrandiennes (parce que, dit-il, « je ne pouvais pas m’associer à un parti allié aux communistes ») ou de son soutien, certes critique mais bien réel aux gouvernements au sein desquels trônait Nicolas Sarkozy. François Bayrou n’est pas puceau. C’est déjà un vieux cheval sur le retour et vu de gauche, franchement, il n’assure pas plus un lendemain qui chante que les autres favoris de la campagne présidentielle française. Son parti, l’UDF, propose à la fois l’augmentation de la TVA et l’augmentation organisée des exonérations des charges fiscales pour les entreprises. Alors le candidat Bayrou parle surtout des autres, de ses meilleurs ennemis, Royal, Sarkozy dont les prestations font et défont son optimisme. Il se dit peut-être qu’au pays des aveugles, les borgnes sont rois, que l’arrogance du ministre de l’intérieur et les mauvaises recettes de Ségolène en campagne feront la différence. Il s’est désormais persuadé qu’il est « le troisième homme », que Jean Marie Le Pen est largué à la fois dans les sondages et dans le cœur des mécontents. C’est un optimiste François Bayrou, il faut lui reconnaître cette formidable qualité : il doute de pas grand-chose. Au point que certains de ses amis le craignent plus velléitaire qu’optimiste en fin de compte. Parce que s’il ne gagne pas, et il n’est pas totalement idiot de considérer cette possibilité, il devra négocier, avec l’UMP, l’existence d’un groupe parlementaire UDF. Cela risque d’être ennuyeux pour celui qui verrait bien le très social-libéral, mais socialiste quand même, Stauss Khan à la tête de son gouvernement.
A moins que ce ne soit de la stratégie, que Bayrou soit le cheval de Troie de la droite, que ses coups à gauche ont porté des fruits au sein des bastions de la social démocratie, dans l’enseignement, les services publics… Il adore les chevaux, François. Ils devraient se méfier dans les hautes sphères socialistes d’un Bayrou Machiavel ?

Pour la gauche de la gauche, Bayrou n’est pas un candidat de droite ou du centre comme les autres. S’il devait effectivement se rapprocher du PS, les sociaux démocrates trouveraient un allié de poids pour rejoindre les autres partis du centre-gauche européen, qui, depuis longtemps ont marginalisé les communistes et les organisations progressistes au profit d’alliances « modernes » avec les centristes ou la droite. Plusieurs élus socialistes et centristes ne cachent plus leurs affinités. Ségolène Royal n’a pas cité une fois le mot socialisme dans son discours historique de Villepinte. Les forces progressistes mènent une campagne timorée. La balle est au centre… Et le centre n’est définitivement pas à gauche. Ceux qui, comme François Bayrou, expliquent qu’il faut mettre un terme au clivage gauche-droite, indiquent surtout que le libéralisme-social est la réponse européenne aux questions existentielles. Ils ne disent pas combien seront les laissés pour compte.
Ron linder
Gauchebdo, Suisse, Février 2007

Genève : Eric Jost (AGT !): oui aux policiers citoyens !

« La sécurité est une chose trop sérieuse pour la laisser à la droite » Mi figue, mi raisin, Eric Jost, travailleur social et candidat AGT ! aux prochaines municipales à Genève est un pragmatique : « les outils pour assurer la sécurité de la population existent. Il convient de les utiliser avant de prétendre refaire le monde et imposer moins de liberté aux citoyens. L’essentiel n’est pas l’insécurité, l’essentiel c’est la sécurité. Et c’est ce qui différencie les discours effrayés des partis bourgeois et effrayants de l’extrême droite et le nôtre qui a l’ambition de bâtir une société, pas de l’encadrer dans un camp retranché. La sécurité, c’est l’humanisation, le relationnel, le lien social. C’est le retour des concierges dans certains immeubles, le développement des maisons de quartier, le déploiement des travailleurs sociaux hors murs, une redéfinition des fonctions et du rôle de la police avec cette absolue priorité : confirmer aux policiers leur citoyenneté, les intégrer naturellement à la communauté, concevoir une police de quartier, des îlotiers. Quand les gens se parlent, sont ensemble, se voient, ils gèrent la réalité sociale. »
« La tolérance zéro en matière de sécurité est un leurre, ajoute le candidat genevois d’AGT ! aux municipales… C’est surtout le niveau zéro de la politique et de l’honnêteté intellectuelle qu’atteignent les champions du « fais-moi peur ». Du PDC à l’UDC, les marchands de trouille font de la démagogie une façon de penser. »
Rlr
Gauchebdo, Suisse, février 2007

Genève : Guy Jousson : « je ne fais pas de politique, je fais des heures supplémentaires »

« Si le Pdt ne s’occupe pas de la défense des exclus, personne ne le fera ». Cette déclaration, hélas pas si péremptoire, date du mois de février 2003. Guy Jousson, conseiller municipal, s’entretenait avec Ramine Abadi de Gauchebdo dans le cadre de la campagne électorale municipale à Genève. Jousson faisait valoir « l’originalité sociale à visage humain » du Parti du Travail. Il s’attaquait à la direction de l’Hospice général « obnubilée par la réduction des dépenses et des coûts », à l’UDC dont la stratégie visait à « désespérer les gens », stigmatisait l’émergence d’ « une société à trois vitesses. Il y a ainsi les riches, les pauvres et enfin, les exclus ». « On ne s’est pas totalement investi dans l’éradication de l’exclusion à Genève. Le problème aurait du nous empêcher de dormir… on court derrière les problèmes de la pauvreté et de l’exclusion qui ont pris une ampleur exponentielle ces dernières années » ajoutait-il.
Il y a quatre ans, Guy Jousson préconisait une autre politique du logement, une action sociale à visage humain, la lutte en amont contre l’exclusion, le relèvement du minimum vital, décision cantonale qui nécessitait, selon lui, le positionnement et la pression des élus locaux.

Aujourd’hui il persiste, signe et augmente ses revendications pour une ville ouverte, intelligente et sociale. Thérapeute de famille, il répondait récemment à un de ses collègues qui découvrait son activité politique : « je ne fais pas de politique, je fais des heures supplémentaires. Si les questions sociales, les injustices flagrantes, les risques encourus par les genevois les plus fragiles étaient limités, je m’adonnerais à ma passion, le parapente ».
C’est la société en général que le conseiller municipal genevois tente de comprendre : « l’exemple du don d’organe est frappant. Il n’y a pas de donneur. Si vous n’êtes pas concerné ou confronté directement à la nécessité absolue d’un don d’organe, il y a peu de chance que vous ayez une carte de donneur dans votre portefeuille. Beau, riche, en bonne santé vous n’allez pas vous soucier du montant accordé par l’AI (Assurance Invalidité). Et il vous paraîtra injuste que l’on vous fasse remarquer que cela pourrait arriver à n’importe qui, de s’effondrer socialement, mentalement, physiquement. Vous ne vous souviendrez plus que l’AI est un droit, un héritage, le fruit des luttes pour plus de justice sociale… mais aussi que ce sigle est le signe du drame personnel. Je suis heureusement un homme serein…en colère. Parce que trop peu de gens se souviennent, par exemple, que les restos du Cœur, l’idée formidablement généreuse de Coluche, ne devaient exister que deux ans… et que l’on vient de dépasser leur vingtième anniversaire. Parce que les gens confondent une société individualisée avec une société individualiste. Dans le premier cas, chacun utilise ses chances pour progresser dans la communauté, la cité, le monde, dans le second chacun joue sa propre carte sans un regard pour celui qui l’accompagne ou le suit. Ce que j’affirme est à peine caricatural. »

La gauche genevoise, telle que Guy Jousson la conçoit n’est innocente de rien : « des Suisses pauvres m’ont expliqué leur vision de la politique d’aujourd’hui. Ils disent : « nous sommes soit orphelins, soit cocus. Orphelins parce que, vous, au Parti du Travail, vous avez découvert Porto Alegre et l’altermondialisme. Porto Alegre c’est loin, tellement loin que vous ne nous avez plus vu, nous qui sommes si près. Nous sommes orphelins du parti des travailleurs et des petites gens. Alors l’UDC a promis de nous prendre en considération. Nous avons voté UDC et nous constatons que les protections sociales s’effondrent sous les coups de Blocher et de ses amis. Nous sommes cocus. » Nous avons intérêt à plus nous tromper de priorités. Ni à l’occasion des municipales du 25 mars, ni plus tard. Tous les thèmes méritent plus que notre attention, notre investissement. Mais pas au rythme que tente d’imposer la droite. Les questions sécuritaires sont à l’agenda de la gauche. Sant autre état d’âme que la sécurité de la communauté dans son ensemble en commençant par les plus faibles. Les va-t-en-guerre de droite proposeront bientôt l’intervention de l’armée quand ils constateront que leurs solutions répressives ne fonctionnent pas parce qu’ils oublient l’essentiel : la source des problèmes, le logement rare, l’insécurité sociale et économique, l’acculturation… »

A Gauche Toute ! dont il est candidat le 25 mars sera un des fers de lance de cette politique de responsabilisation des citoyens. Guy Jousson s’inscrit dans la continuité de la politique sociale et pratique d’André Hédiger : « AGT ! réunit ce qui est commun à différentes organisations. C’est une alliance, une nouvelle démonstration de nos talents de compromis. Mais le parti du Travail n’est pas un parti de compromission. Nous sommes partants pour défendre les Citoyens de Genève sur un programme commun social ».
Gauchebdo, Suisse, Février 2007

lundi 19 février 2007

Les élections municipales à Genève au mois de mars 2007: ce sera le mur de droite et d'extrême droite ou le chemin épineux des gauches sociales... (affiche de la coalition A Gauche Toute! regroupant communistes (Pdt et parti communiste genevois), indépendants de gauche et le groupe SolidaritéS (trotskysto-pragmatique)). Posted by Picasa

France: Ségo-Sarko ce n’est pas «blanc bonnet et bonnet blanc»

Ce n’est peut-être pas le débat gauche-droite qui prévaudra finalement pour désigner le prochain président de la République française. Les candidats qui se réclament hauts et forts d’une idéologie ou d’un projet politique sans ambiguïté éprouvent bien des difficultés à être entendus et sont rapidement marginalisés quand ils ne sont pas considérés comme des «ringards». Ceux qui se réclament de tout et de rien, de la «France entière», qui, au nom du «pragmatisme», du «réalisme», de la «modernité», de la «fracture» proposent aux Français de repenser le pays du bas en haut, de le faire reluire comme un sou neuf, ceux-là ratissent large, tellement large que les citoyens sont en droit de se demander comment il leur a été possible de vivre dans cette République sous d’autres présidences. Il y aurait la France d’avant le débat Ségo-Sarko et la France d’après le débat Ségo-Sarko.
La gauche est laminée. Par ses divisions certes, mais aussi parce que les Français pourraient bien décider de choisir un président par défaut: ils voteraient moins à gauche ou à droite qu’ils ne voteraient contre Nicolas Sarkozy ou contre Ségolène Royal. Elire un ou une présidente de la République parce qu’il ou elle est moins antipathique que son adversaire, ce serait effectivement une autre façon de faire de la politique. Et en France, comme ailleurs, on ne prête qu’aux riches. En l’occurrence l’avantage ira au moins maladroit, au plus photogénique, le plus médiatique mais sans doute et surtout au mieux disant… le temps de la campagne.
Ségolène Royal a présenté dimanche 100 propositions dans un pacte présidentiel qui situe désormais son engagement. Adepte de la démocratie participative elle a, en quelque sorte, fait le compte-rendu des opinions des citoyens. Des opinions et des craintes: «Ces cris de détresse silencieuse, ces pauvres vies brisées, ces familles humiliées, ravagées par la misère et l’injustice, ces destins marqués au sceau d’une malédiction qui ne dit pas son nom, c’est tout cela que j’ai à l’esprit, là, à l’instant de m’adresser à vous, et c’est cela qui me donne le désir de me battre, de vaincre et de proposer cette politique d’alternance qui seule sera capable de surmonter les crises: crise des banlieues, dans les quartiers le feu couve sous la cendre, crise économique avec les emplois qui se détruisent, crise sociale, crise éducative, crise morale, crise écologique, crise internationale, enfin, sur fond de prolifération nucléaire, de montée des fanatismes et des hystéries guerrières. Pour surmonter ces crises, il faut une nouvelle politique, pour surmonter ces crises, il faut une France neuve. Voilà ce que vous m’avez dit et voilà ce que j’entends mettre en œuvre avec vous». Les propositions vont avec le message : le SMIC à 1500 euros «le plus tôt possible dans la législature», augmentation de 5% des petites retraites et des allocations aux personnes handicapées, doublement de l’allocation de rentrée scolaire, réduction des coûts bancaires, une sécurité de logement tout au long de la vie, création de 120’000 logements sociaux par an, lutte contre la violence faite aux femmes. Il y a matière à prendre en considération l’ambition de la candidate socialiste.
Mais s’il faut en croire les sondages concordants diffusés dans les jours qui ont suivi le discours très médiatisé de Ségolène Royal, les électeurs n’auraient pas été impressionnés. Est-ce parce qu’elle traitait de l’essentiel et parlait politique? Ses adversaires se sont précipités sur leurs calculettes pour évaluer le coût de ses promesses: 30 ou 35 milliards d’euros. Trop cher, décrétèrent-ils tout de go, la France n’a pas les moyens de cette politique-là! Et de crier au loup, à l’augmentation des impôts, au surendettement du pays… Les propositions de Nicolas Sarkozy diluées dans ses nombreux discours coûteraient, dit-on, aussi cher mais sa méthode serait différente: «privilégier l’emploi et améliorer le pouvoir d’achat des salariés, voilà notre philosophie», explique Pierre Méhaignerie, le «Monsieur Finances publiques» du président de l’UMP… Personne sans doute n’y avait jamais pensé… Et c’est Sarko qui rassure le plus, disent les sondeurs…
L’argent des riches…
La France n’est pas fauchée. Elle a les moyens de ses priorités. Selon le quotidien l’Humanité, le profit des sociétés du CAC 40 (les plus grosses entreprises cotées en bourse) a été de 51 milliards d’euros au premier semestre 2006, les aides publiques aux entreprises en 2005 s’élevaient à 65 milliards d’euros, l’évaluation des exonérations de cotisations patronales en 2006 avoisinerait 23,6 milliards d’euros, les intérêts financiers et les dividendes versés en 2005 sont de 224 milliards d’euros… Et le groupe Total a annoncé un profit supérieur à douze milliards, que d’aucuns qualifient d’ «indécent». Ségolène Royal et la gauche suggèrent, raisonnablement, que les surprofits pétroliers soient taxés. A cette idée, les patrons et la droite attrapent des boutons de fièvre… On situe mieux les priorités des uns et des autres soudainement.
Ron Linder
Gauchebdo, Suisse, Février 2007

La Turquie ne va pas bien

En année électorale, le seul pays musulman laïc est tiraillé par ses extrêmes.
Le gouvernement d’Ankara annule une rencontre au plus haut niveau avec l’Union européenne. Parce qu’il n’est pas de bon ton de parler de l’Europe en année électorale. L’Europe n’est plus la priorité des Turcs. Lassés, frustrés, parfois humiliés par les interminables négociations pour l’adhésion de leur pays à l’Union européenne, les Turcs ont tendance à considérer que point trop n’en faut, et qu’à force de se l’entendre dire, d’accord, la Turquie est asiatique… De cette Asie qui gagne.
Abdulah Gül, le ministre des Affaires étrangères, ne se précipite pas pour rencontrer ses interlocuteurs à Bruxelles. A l’instar du premier ministre Recep Tayyp Erdogan, il veut éviter d’être associé au thème impopulaire par excellence auprès de son électorat traditionnellement islamisant. Il ne souhaite sans doute pas non plus être la cible des médias occidentaux sur les questions qui fâchent: la liberté d’expression, la question du génocide arménien, la sécurité publique en Turquie.
L’assassinat du journaliste d’origine arménienne Hrant Dink, le 21 janvier, puis l’apparent exil du prix Nobel de littérature Ohran Pamuk, le 1er février, ne sont que les éléments visibles d’une situation plus que tendue qui touche les intellectuels progressistes ou laïcs depuis des années, sans que les autorités n’y trouvent la moindre parade. Et pour cause, affirment les observateurs, la police et d’autres institutions gouvernementales sont infiltrées par des éléments fascistes ou ultranationalistes. La photo diffusée par la presse, montrant le meurtrier de Hrant Dink arborant un drapeau turc dans le commissariat de police où il était détenu, n’a laissé personne indifférent.
Vague de désanchantement
Vue d’Europe, la Turquie ne va pas bien. Le seul pays musulman laïc n’éradique pas ses vieux démons. L’ultranationalisme, le fascisme des Loups gris sont renforcés par un intégrisme religieux très installé. Le journal Le Monde rapportait l’histoire de ce prédicateur dont la maison d’édition diffuse avec succès un «atlas de la création» dont la version française aurait été tirée à 10’000 exemplaires, qui prône, à l’instar des intégristes chrétiens, le créationnisme contre la théorie de l’évolution de Darwin. Une anecdote? Pas vraiment… La promotion du panturquisme, la nostalgie de l’Empire ottoman, le nationalisme, le rigorisme religieux, la condamnation du «génocide tchétchène», la négation du génocide arménien, les attaques contre les «Kurdes darwiniens»… font bon ménage. De nombreux Turcs trouvent dans ce fouillis d’idées plus ou moins développées mais toujours diffusées à grande échelle, matière à nourrir leurs désenchantements.
Un journaliste turc disait au lendemain du meurtre de Hrant Dink: «de deux choses l’une, le meurtrier est membre d’une organisation extrémiste… et nous pouvons espérer lutter contre un ennemi définissable; ou il est un jeune isolé, issu de la Turquie profonde. Dans ce cas, c’est nous-mêmes que nous devrions combattre.»
DRr
Gauchebdo, suisse, février 2007

Parlement européen: L’arbre fasciste qui cache la forêt d’extrême droite

Le groupe «Identité, Tradition, Souveraineté» voit le jour et met en valeur quelques personnages pitoyables. A vingt, ils se qualifient pour constituer un groupe parlementaire.
La constitution de la fraction d’extrême droite «Identité, Tradition, Souveraineté» au parlement européen est un non-événement par excellence. Les parlementaires fascisants, nationalistes, régionalistes, souverainistes, ultra cléricaux, anticommunistes, antieuropéens, populistes, de la droite dure, de la droite nationale, de la droite extrême foisonnent au Parlement Européen, au sein du groupe «Indépendance et Démocratie», ou parmi les députés de l’«Union pour l’Europe des Nations». C’est le cas des élus polonais de «Droit et Justice» et de la «Ligue des familles polonaises», des français du «Mouvement pour la France», des Britanniques du «Parti indépendant»… Il en restait quelques uns, interdits de séjour dans les fractions constituées parce que trop mal élevés ou trop… trop. Ce sont ces «bêtes de scène» qui forment désormais leur petit club, comme ce fut déjà le cas entre 1984 et 1994 sous la houlette de Jean-Marie Le Pen. Profitant de l’intégration des eurodéputés roumains et bulgares, Bruno Gollnish, bras droit de Jean-Marie Le Pen, récemment condamné pour ses propos négationnistes, préside une sinistre équipe de «bras cassés» dont la principale qualité pourrait être de ne pas s’aimer beaucoup. Quoi qu’il en soit, autour des sept élus du Front National français qui n’apprécient pas les gens de l’est qui «déferlent» sur le France, s’agglomèrent un britannique antiroumain, trois belges régionalistes flamands, deux italiens dont Alessandra Mussolini, un autrichien déjà nostalgique de Jörg Haïder et les nouveaux venus, cinq roumains et un bulgare. Si Marine Le Pen était à la recherche d’une respectabilité quelconque, ses nouveaux petits camarades à Bruxelles et Strasbourg vont grandement participer à la rendre plus sympathique encore auprès des modérés hésitants à la considérer comme «moins pire» que son père. Ses cinq confrères roumains sont issus du Parti de la Grande Roumanie, «Romania Mare», dont le chef incontesté Corneliu Vadim Tudor réclame la Bucovie ukrainienne et la Moldavie pour reconstituer la Grande Roumanie de ses rêves. Accessoirement il dénonce le péril magyar et considère que les juifs sont la source de tous les maux: «l’Occident capitaliste juif veut voler la Roumanie et l’a contaminée par des mœurs dissolues et le sida». Le seul représentant bulgare vient du parti nationaliste et populiste Ataka, fondé par un journaliste anticommuniste, Volen Siderov, xénophobe particulièrement antiturc, antirom, antigitan.
Ne pas se tromper d’adversaire
C’est la haine des autres qui unit ces vingt députés. Sur les 785 élus qui peuplent le parlement européen, ils pourraient n’être qu’un moindre mal. Ils ne constituent pas un danger immédiat, ils servent une droite dite modérée, plus arrogante que jamais, dont l’aile la plus réactionnaire n’est guère éloignée de ces excessifs qui dérangent sans doute, mais dont le fonds de commerce ne pose pas de problème: l’extrême droite ne remet pas en question l’ultralibéralisme qui prévaut chez les conservateurs, même si elle en conteste la vision européenne ou mondiale. Après tout, la fraction «Identité, Tradition, Souveraineté» «est opposée à une Europe unitaire, bureaucratique et à un super état européen et s’engage en faveur de la famille traditionnelle en tant que trait d’union naturel de la société».
Combattre l’extrême droite est la moindre des obligations pour les progressistes, mais pas au risque de se tromper d’adversaire: il y a vingt ans déjà, le chasseur de nazis Simon Wiesenthal mettait en garde contre le danger de laisser diffuser la discours de la droite extrême dans les milieux conservateurs et modérés. Il n'est pas superflu de reconsidérer l’avertissement. Dans les milieux dirigeants, partout en Europe, en Suisse aussi, au nom d’une gestion «responsable», les discours et les engagements les plus contestables s’actualisent: la remise en question des lois les plus solidaires, l’insistance pesante des préférences nationales, la limitation des services publics réunissent les conditions d’une société dont l’individualisme est le cheval de bataille. Entre ceux qui hurlent avec les loups de Roumanie, de Bulgarie ou de Flandre et ceux qui sapent les acquis sociaux et recréent d’autres frontières parce qu’ils disent le droit en divisant les citoyens, il existe une communauté idéologique.
Dan Rajtberger
Gauchebdo, Suisse, février 2007

Palestine: à qui profite le crime?

Le Hamas et le Fatah n’en finissent plus d’appeler au calme. Sans succès. Ils sont pourtant condamnés à partager le pouvoir. Il n’y a pas d’alternative.
Dans les territoires sous autorité palestinienne, environ 700'000 personnes dépendent peu ou prou des salaires versés par le gouvernement: parmi les 170'000 fonctionnaires, 70'000 policiers et assimilés, 40'000 enseignants et près de 10'000 membres de services de santé se partagent le triste privilège d’être payés au… lance-pierre, quand les autorités le peuvent, quand Israël libère une partie des taxes qui reviennent de droit à la Palestine, quand l’aide étrangère, arabe, musulmane, européenne ou américaine, passe, au compte-goutte, de promesse à réalité, quand certaines banques internationales acceptent d’assurer les transferts. La pression ou l’étouffement économiques sont des armes efficaces. Ils rendent la Palestine ingérable donc, dans l’absolu, dans les faits et dans le quotidien, improbable. Ils créent aussi les conditions du pire. Le Hamas et le Fatah, forts de leur légitimités spécifiques, législative et activiste pour le premier, historique et institutionnelle pour le second, se disputent une vision de la Palestine plus encore que le pouvoir immédiat pour lequel ils sont condamnés à s’entendre au nom du réalisme le plus élémentaire. Le président Mahmoud Abbas et le Fatah défendent, en priorité, l’idée de la création d’un Etat palestinien, fruit de négociations territoriales et structurelles directes avec Israël, et soutenue par la communauté internationale. Le Hamas semble moins pressé de voir naître un Etat sur une portion congrue de la Palestine historique. La stratégie de l’organisation islamique serait intégrée à une géopolitique plus large, dont les enjeux engloberaient le sort du Liban et les positionnements de la Syrie et de l’Iran. Les analystes ne s’y trompent pas: l’ancien secrétaire d’Etat américain de George Bush père, James Baker, qui témoignait devant la commission des affaires étrangères du Sénat, mardi dernier, affirmait que si l’administration Bush (fils) dialoguait avec la Syrie, le Hamas pourrait reconnaître Israël et ainsi s’associer au Fatah dans le dialogue israélo-palestinien.
Cessez-le-feu multiples et inefficaces
Le Hamas veut occuper le terrain. A Gaza d’abord, qui est son bastion principal. En réduisant la présence militaire du Fatah dans les faubourgs de Gaza, le président Abbas affaiblirait son potentiel auprès de ses interlocuteurs. Au point d’ailleurs que les Américains envisagent sérieusement d’armer les troupes fidèles au Fatah, entre autres de véhicules blindés légers, au grand dam des militaires israéliens. Les combats de ces derniers jours, qui ont fait 34 morts (plus de soixante en deux mois), risquent de ne pas être les derniers. Les belligérants répondent toujours positivement aux efforts de pacification de l’Egypte et de l’Arabie saoudite, mais personne n’accorde crédit aux appels de cessez-le-feu, qui n’ont que le mérite de durer un petit peu. Pourtant, la guerre civile n’est au programme ni à Gaza ni en Cisjordanie. Les combats restent circonscrits dans certains quartiers autour de la ville de Gaza. Les batailles de rue sont purement stratégiques. Cela n’empêche pas les Palestiniens de s’interroger. Leur vie quotidienne est plus compliquée que jamais, l’arrogance des Israéliens rend l’option des négociations défendue par Mahmoud Abbas peu attirante, les Américains les prennent pour des terroristes, les Européens ne sont pas à la hauteur.
Une solution islamique?
Il y a quelques mois, Ghassan Khatib, membre du Parti du peuple (ex-communiste) et ancien ministre, disait au Monde diplomatique: «Les gens à l’étranger ne comprennent pas combien est forte ici l’opposition aux Etats-Unis… Le Hamas sortira grandi pour avoir été puni par l’occident. Il gagnera en force et en légitimité, il sera le seul gagnant… Arafat a mis vingt ans pour faire des concessions et l’on ne donne aucun délai au Hamas.» Une opinion partagée par le pacifiste israélien Uri Avneri, qui explique à qui veut l’entendre que le Hamas dispose des moyens religieux pour parvenir à négocier avec Israël. L’islam autorise la hudna, une sorte de cessez-le-feu. Uri Avneri, qui fut le premier Israélien à rencontrer des dirigeants palestiniens, affirme que rien n’empêcherait de signer une hudna, un accord temporaire pour cent ou… cinq mille ans. Au Proche-Orient, même l’improbable est possible. Donc cette Palestine improbable est bien possible. Le tout, comme toujours, est de savoir à quel prix.
Ron Linder
Gauchebdo, Suisse, Février 2007

Soyons subjectifs!

Eux, d’un coup d’un seul, ils attirent des centaines de milliers de lecteurs, d’auditeurs, de téléspectateurs, de cybervoyeurs. Ils importent, et le politicien le moins ambitieux ne peut raisonnablement pas faire l’impasse d’une relation aimable avec les gens des médias. En cette année électorale, un peu partout chez nous, et de façon extravagante en France, la presse se gave d’importance: dans bien des domaines, elle influencera les sensibilités, jouera d’un titre ou d’une photo pour attendrir ou révolter, entérinera ou affirmera l’émergence d’une femme ou d’un homme providentiel (le). 2007 est l’année du quatrième pouvoir, à Paris, Genève ou Lausanne. Notez, les années prochaines le seront aussi.
Le quatrième pouvoir a trouvé son credo et son créneau: en politique, on parle des gens.
Pas de ce qu’ils pensent. A peine de ce qu’ils proposent et toujours dans des proportions qui permettent d’éviter les «mauvaises surprises», celles qui fâchent vraiment, celles qui compliquent la vie.
Donc on parle des gens sans les idées, ou alors avec des idées courtes. Leur lecteur-auditeur-téléspectateur,-cybervoyeur doit être informé, pas fatigué, pas ennuyé... Soyons objectifs, disent les patrons du quatrième pouvoir, c’est-à-dire, définissons l’espace accordé à chacun, hiérarchisons les informations, évitons autant que faire se peut les extrêmes, faisons de la pensée majoritaire, celle qui ne conteste pas l’ordre établi, la pensée de tous.
Dans un journal subjectif, militant, politique, nous pensons exactement le contraire et d’ailleurs, nous ne revendiquons pas une place, même modeste, au sein du quatrième pouvoir. Ce sont les idées, précisément, qui nous passionnent, la façon dont les hommes et les femmes politiques veulent les concrétiser. Le rôle, la fonction de la presse politique est d’autant plus importante que nos amis qui se présentent devant les électeurs le font fort d’une réflexion et d’une conviction qui, très souvent, ne s’inscrit pas dans le créneau que le quatrième pouvoir trouve acceptable.
C’est un outil que vous, lecteurs, avez entre les mains. Un outil de réflexion mais aussi un moyen d’action pour faire valoir la pensée des progressistes.
Ron Linder
Gauchebdo, Suisse, février 2007

Résistance!

C’est rare de mourir de vieillesse au champ d’honneur, les colères en bandoulière, l’espoir en guise de baïonnette, fringué des habits de toutes les dignités humaines. C’est rare de mourir en 2007 sans jamais être sorti du maquis dans lequel la barbarie nazie et le comportement honteux de vos compatriotes vous avaient précipité en 1942 pour sauver des juifs de l’extermination ou des jeunes convoqués pour le travail obligatoire en Allemagne. Après la guerre, après Vichy, la résistance s’est mue en un combat contre la misère, contre les faiseurs de misère.
Henri Grouès, alias Abbé Pierre, prêtre de profession et de conviction, est mort sans avoir vaincu ses ennemis. Mais il laisse indubitablement des pensées à retardement, qui exploseront bientôt, parce que le monde ne peut se résumer à l’infamie imposée par la finance ou la Bourse.
N’en déplaise aux pacifistes et aux pacificateurs de tous poils, la guerre contre la pauvreté est de celles que l’on mène la rage au cœur. Il est une strophe du Chant des Partisans qui dit: «Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place». A n’en pas douter, d’autres amis sortent de l’ombre. Nos forces sont émoussées, parfois vaincues par les conquêtes de l’individualisme, par les forces vives de l’égoïsme, par la peur qui étreint les nouvelles générations de ne pas faire partie des «vainqueurs»… Mais nous avons, encore et toujours, nos convictions pour qu’un monde meilleur s’élève, solidaire, avec le progrès pour tous et les chances égales pour chacun.
Un pays riche est un pays sans pauvres, à chacune, à chacun un toit décent, une éducation de qualité, une part de la richesse commune. L’Abbé Pierre disait: «C’est la guerre contre la misère, un pauvre a le droit d’occuper une maison inoccupée.» Les nantis pleurent l’Abbé Pierre. Ils n’ont honte de rien, les nantis. Se rendent-ils compte enfin que la révolte gronde et que le changement pourrait venir d’ailleurs, de l’Amérique profonde ou de l’Afrique nouvelle? Nous ne sommes pas orphelins d’un grand homme. Nous sommes tous des résistants. Contre la misère et contre l’injustice sociale.
Ron Linder
Gauchebdo, Suisse, Janvier 2007

Israël:Un gouvernement de pieds nickelés joue à qui perd-gagne

Le moyen Orient serait menacé par des incompétents belliqueux. Le danger ne viendrait pas de l’Iran, mais du gouvernement israélien, qui perd le contrôle de la situation.

Mon premier et ses proches vont être soumis à des enquêtes criminelles pour délits financiers, corruption, copinage aggravé et sont déjà qualifiés par les médias de «suspects en série»; mon deuxième a découvert le principe de Peter [1] à la vitesse de la lumière et mon troisième, qui lui était lié, est un aviateur qui loupe son envol et quitte le… navire; un autre et ses amis profèrent des menaces racistes que la justice devra tôt ou tard évaluer; il y a aussi un représentant de la minorité ethnique dont la nomination est reportée parce que le précédent ne lui reconnaît pas de droits… Mon tout est le gouvernement israélien que les sondages situent en moyenne à moins de quinze pour cent de popularité un an après sa constitution.
Le chef du gouvernement, Ehud Olmert, est soupçonné d’inconduites financières et de favoritisme, sa directrice de cabinet est mouillée dans une affaire de fraude fiscale. Le dirigeant travailliste Amir Peretz est considéré par ses compatriotes comme une catastrophe ambulante à la tête du ministère de la Défense; il ne peut que constater la démission du chef d’Etat Major de l’armée, le général Halutz, dont la responsabilité dans l’échec du dernier conflit au Liban ne serait, selon certains, que le prélude à la déroute des politiques. D’autant qu’Amir Peretz a tenu à maintenir le parti travailliste dans la coalition gouvernementale malgré la nomination du fasciste Avidgor Liberman au poste de ministre des Dangers Stratégiques, perdant ainsi le soutien de toutes les tendances progressistes à l’intérieur et à l’extérieur de son parti. Pour se rattraper il a proposé un député arabe, Khaleb Majabdeleh au ministère de la Culture et des Sports ce qui permet à Liberman et une de ses groupies parlementaires, Esterina Tartman de déclarer que la nomination d’un ministre arabe, une première, «nuisait au caractère juif d’Israël… Il nous faut détruire ce défaut en nous-mêmes…Dieu nous viendra en aide». Même la droite nationaliste a trouvé que la députée de la majorité poussait le bouchon un peu loin…
Ce gouvernement israélien ressemble de plus en plus dramatiquement à une escouade de pieds nickelés chargée de transporter des tonnes de nitroglycérine à vélo sur un sol rocailleux. Il est, les événements le prouvent chaque jour, une menace pour la région. Il a fallu, la semaine dernière, que la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice intervienne énergiquement pour que les Israéliens acceptent enfin de reverser 100 millions de dollars de taxes retenues indûment afin que le Président palestinien Abbas puisse faire payer les salaires des employés des services publics touchés par l’embargo occidental décrété après la formation du gouvernement du Hamas…
Tout semble aléatoire dans la politique israélienne. Les exemples sont légions d’une stratégie plus perturbée que perturbante. Le gouvernement navigue à vue, au rythme des pressions judiciaires ou de la prochaine désignation du nouveau chef du parti travailliste par exemple. En politique étrangère, c’est le degré zéro de l’efficacité qui prévaut. Pourtant la cheffe de la diplomatie israélienne, Tzipi Livni serait la seule à conserver un tant soit peu de popularité. Des sources bien informées citées par le quotidien indépendant Haaretz impliquent la Suisse dans des négociations secrètes entre Israël et la Syrie. Les officiels des deux pays nient…plus ou moins. Il n’en demeure pas moins vrai que, mercredi dernier, le conseiller diplomatique d’Ehud Olmert rencontrait Nicolas Lang, le chef du Département Moyen Orient du ministère suisse des Affaires Etrangères… officiellement pour parler du cas d’un soldat israélien enlevé par des Palestiniens. C’est que les conseillers de Madame Livni ne semblent pas enchantés à l’idée de reconnaître du mérite à Micheline Calmy-Rey. Ils lui reprochent son… hostilité à l’égard d’Israël pour avoir favorisé la proposition de paix israélo-palestinienne de Genève.
Un gouvernement de pieds nickelés on vous dit…
Le Hezbollah crie victoire… jamais Israël n’a semblé si faible à ses adversaires. Si fragile qu’il en serait d’autant plus dangereux…

[1] «Tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence.» Il est immédiatement suivi du «Corollaire de Peter»: «Avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d'en assumer la responsabilité.»
RonLinder
Gauchebdo, Suisse, Janvier 2007

France: La Gauche broute

C’est toujours la même histoire et le même débat: le fonctionnement d’un parti communiste laisse perplexe. Surtout à gauche, surtout à l’extrême gauche. En France, le PCF semble avoir respecté ce que l’on pouvait attendre de lui. Contrairement aux autres organisations structurées à la gauche du parti socialiste, il a largement contribué au développement d’un projet de rassemblement antilibéral sans ignorer que la pluralité des opinions altermondialistes, antilibérales, progressistes de toutes tendances des collectifs associatifs rendait la tâche complexe. La direction du PCF ne pouvait pas non plus douter que le seul fait de fonctionner selon des normes qui lui sont propres poserait d’une manière ou d’une autre problème à ses partenaires potentiels, aux structures diverses. En constatant qu’aucun candidat n’obtiendrait l’aval de la myriade d’organisations qui compose cette «gauche en mouvement», les communistes français ont jugé utiles de prendre des décisions et d’imposer, oui d’imposer, la candidature de Marie Georges Buffet. Ce fut l’échec. C’est donc le PCF seul qui présente sa candidate. Curieusement, on lit ou entend peu de remises en question dans les milieux alternatifs et associatiatifs. «C’est la faute au Parti. Point final».
Contestation interne
Mais si on peut s’interroger sur la légitimité des critiques ou des condamnations venant de l’extérieur du PCF, il est raisonnable de s’intéresser de près à la contestation interne au parti. D’autant qu’elle semble plus profonde que ce que le plébiscite accordé par les militants à Marie Georges Buffet laisse penser. Elle touche directement une partie du potentiel militant, actif du parti. Et Patrice Cohen-Seat, l’animateur du collectif électoral de Marie Georges Buffet ne s’y trompe quand il publie une lettre ouverte à un militant communiste pour expliquer et justifier la «décision de la direction». «Il n’y avait pas de consensus possible écrit-il en substance, notre parti a été traité par certains comme s’il n’avait pas évolué depuis les années 50 ou 60 et c’est à partir de cette vision du Parti qu’une candidature issue de nos rangs était «irrecevable».
Problème d’agenda
D’autres membres éminents du PCF ne partagent pas cette analyse. Selon eux, l’avenir du PCF se joue au niveau d’un rassemblement et nulle part ailleurs. En sachant à priori que la candidature de Buffet posait problème, la direction aurait du favoriser d’autres options. Et on en revient au point de départ. Tout le monde attend que le parti communiste prenne ses responsabilités… Et quand il les prend … Les «contestataires» de l’intérieur se sont peut-être trompés d’agenda. Le renouveau du parti qu’ils appellent de leurs vœux et pour lequel ils militent et travaillent, nécessitait-il une distanciation avec la direction au moment où précisément se joue l’avenir du PCF? Fallait-il absolument fragiliser la seule organisation populaire partie prenante dans une tentative originale de rassemblement?
Ron Linder
Gauchebdo, Suisse, janvier 2007

HARDI LES VIEUX!

Les vieux sont d’anciens jeunes… et les jeunes, ces futurs vieux, ont trop souvent tendance à oublier cette vérité à la fois fondamentale, pathétique et redoutable : un ancien jeune n’est pas par définition un vieux con, un grabataire, un demeuré, un cas social, un fardeau, un retraité de tout, une banque ambulante pour une génération dans le besoin…
Nos vieux sont des militants, des lutteurs, des combattants, des politiques. On dit du Parti du Travail que c’est un parti de vieux. C’est lui rendre hommage et constater que la loyauté reste un fer de lance de la pensée politique. Ce ne sera pas l’arthrite qui empêchera nos camarades les plus expérimentés de continuer les luttes, de se consacrer aux autres, de défendre leurs droits et ceux de leurs enfants, petits-enfants, arrières petits enfants… Ce ne sera pas l’âge de leurs artères qui les privera de vivre à cent à l’heure d’espoir… et de refaire le monde encore et encore. Ce qui les menace, c’est le mépris, parfois même inconscient, dont ils sont l’objet s’ils se refusent à entrer dans le moule de l’assisté de « plein droit ». Comme si le droit à la retraite les privait du droit de choisir de vivre au sommet de leurs pensées, au gré de leurs idées, d’aimer comme à vingt ans... même à moins de vingt dents. C’est ce qu’avaient compris les fondateurs de l’AVIVO.
C’est ce que comprennent les militantes et les militants des organisations politiques, des associations, qui ont décidé qu’à la retraite, ils disposaient d’un capital de disponibilité pour mener ou poursuivre les luttes au nom du bien commun. Et tant pis, si leurs opinions sont ravageuses, tranchantes, sévères, si leurs références laissent rêveurs. Aucune génération politique ne s’est forgée spontanément. C’est en croisant le fer avec leurs anciens que les militants de demain construiront et élaboreront une organisation de gauche moderne, encore et toujours révolutionnaire.
Une société qui s’offre le luxe indécent de marginaliser sa population âgée pour ne l’utiliser qu’à des fins socio-économiques et mercantiles perd son âme. Tout le monde le sait.
Ron Linder
Gauchebdo, Suisse, Janvier 2007

dimanche 18 février 2007

Téhéran joue l’Islam contre le Monde

Le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad est infréquentable. Aux oreilles de la plupart des Occidentaux, mais aussi de certains dirigeants arabes, africains ou asiatiques son discours est belliqueux, antisémite, arrogant et annonciateur de lendemains qui déchantent pour le Moyen Orient ou le Monde. L’anti-américanisme est une tradition en Iran depuis 1979, une sorte de fond de commerce à destination de la population frustrée de progrès socio-économiques maintes fois annoncés et promis depuis l’avènement de la République Islamique, mais Ahmadinejad est le héraut d’un Iran vindicatif et menaçant près à en découdre, directement ou non, avec le champion non moins belliqueux d’un Occident soucieux de préserver ses prés carrés, le Président étasunien George W. Bush. Avec cette dangereuse particularité : les deux hommes s’affrontent au nom de convictions philosophiques et religieuses qui font de l’ombre aux arguments stratégiques, politiques, économiques généralement suffisants pour prévoir ou expliquer les tensions et les conflits. Le physicien et activiste belge Jean Bricmont rappelait dans le « Monde Diplomatique » d’août 2006 que la philosophie « scientifique » ou « matérialiste » qui avait contribué à équilibrer les rapports de force jusqu’à la chute de l’Union Soviétique avait disparu au profit d’une « attitude religieuse » qui consiste « dans le discours de George W.Bush, à voir le Mal et le Bien existant « en soi », c'est-à-dire indépendamment des circonstances historiques données. Les « méchants » sont des diables qui sortent d’une boîte, des effets sans cause. Pour combattre le Mal, une seule solution : mobiliser le Bien, l’armer, le sortir de sa léthargie, le lancer à l’assaut. C’est la philosophie de la bonne conscience perpétuelle et de la guerre sans fin ».
Mahmoud Ahmadinejad ne serait-il que le pendant oriental de George Bush ?
Il prétend à une reconnaissance internationale, une juste place pour son pays, puissance régionale et énergétique, dans le concert des nations. Surtout, il revendique sans ambiguïté la primauté politique de l’Iran dans le monde arabo musulman. Il affirme la victoire d’une idéologie panislamique. Ahmadinejad n’est pas à son poste par hasard. Ses attaques contre Israël, ses délires négationnistes –d’ailleurs repris par ses meilleurs collaborateurs- servent à appâter la « masse » arabe délaissée ou abandonnée par ses dirigeants. La cause palestinienne est, à défaut de tout autre thème, le dénominateur commun des Arabes et des Musulmans. Le nationalisme arabe a échoué, ce serait au tour de l’Iran, un pays non arabe, de proposer un « monde commun » face à l’agression de l’Occident. Quoi de plus légitime alors que de confirmer ce « leadership » en développant un potentiel nucléaire ? Le Pakistan voisin, l’ennemi israélien, les Russes disposent d’un arsenal nucléaire, l’Irak et l’Afghanistan ne se remettent pas des interventions américaines. L’Iran doit, dans l’esprit et la pensée des Mollahs tenir son rang. C’est une question de survie pour le régime, pour son ambition de peser, un jour, du poids de tout l’Islam face au reste du Monde. Pour que le monde sunnite, majoritaire dans l’Islam, se tourne vers Téhéran… Ce n’est pas un délire mégalomaniaque. Les conditions sont potentiellement réunies. Le moment est propice : à Washington, « l’homme le plus puissant du monde » n’est pas un négociateur.

Rien ne va en Iran, le chômage est endémique, les libertés individuelles sont plus que limitées, la liberté de la presse réduite, les droits de la femmes sujets à un droit coranique très conservateur… Le président Ahmadinejad s’était fait élire en promettant « de faire revenir l’argent du pétrole sur la table de tous les Iraniens ». Il ne tiendra pas parole. Pas plus qu’il ne serait, selon les experts, en mesure de tenter de détruire ou même d’ébranler Israël à court ou moyen terme. Les opposants iraniens en exil crient au loup, ils estiment que les Occidentaux ne prennent pas la mesure du danger que la république islamique fait peser. Ils se veulent alarmistes comme le sont les néoconservateurs américains ou quelques intellectuels européens. D’autres sont alarmés, parce qu’informés des ambitions du régime de Téhéran, mais regardent vers Washington et espèrent que le successeur de George Bush sera, comme l’était Bill Clinton, un négociateur.
L’Iran n’a pas peur. L’Iran fait peur. Mahmoud Ahmadinejad se satisfait déjà de ce résultat.
Ron Linder
Gauchebdo, Suisse, novembre 2006