lundi 19 février 2007

Parlement européen: L’arbre fasciste qui cache la forêt d’extrême droite

Le groupe «Identité, Tradition, Souveraineté» voit le jour et met en valeur quelques personnages pitoyables. A vingt, ils se qualifient pour constituer un groupe parlementaire.
La constitution de la fraction d’extrême droite «Identité, Tradition, Souveraineté» au parlement européen est un non-événement par excellence. Les parlementaires fascisants, nationalistes, régionalistes, souverainistes, ultra cléricaux, anticommunistes, antieuropéens, populistes, de la droite dure, de la droite nationale, de la droite extrême foisonnent au Parlement Européen, au sein du groupe «Indépendance et Démocratie», ou parmi les députés de l’«Union pour l’Europe des Nations». C’est le cas des élus polonais de «Droit et Justice» et de la «Ligue des familles polonaises», des français du «Mouvement pour la France», des Britanniques du «Parti indépendant»… Il en restait quelques uns, interdits de séjour dans les fractions constituées parce que trop mal élevés ou trop… trop. Ce sont ces «bêtes de scène» qui forment désormais leur petit club, comme ce fut déjà le cas entre 1984 et 1994 sous la houlette de Jean-Marie Le Pen. Profitant de l’intégration des eurodéputés roumains et bulgares, Bruno Gollnish, bras droit de Jean-Marie Le Pen, récemment condamné pour ses propos négationnistes, préside une sinistre équipe de «bras cassés» dont la principale qualité pourrait être de ne pas s’aimer beaucoup. Quoi qu’il en soit, autour des sept élus du Front National français qui n’apprécient pas les gens de l’est qui «déferlent» sur le France, s’agglomèrent un britannique antiroumain, trois belges régionalistes flamands, deux italiens dont Alessandra Mussolini, un autrichien déjà nostalgique de Jörg Haïder et les nouveaux venus, cinq roumains et un bulgare. Si Marine Le Pen était à la recherche d’une respectabilité quelconque, ses nouveaux petits camarades à Bruxelles et Strasbourg vont grandement participer à la rendre plus sympathique encore auprès des modérés hésitants à la considérer comme «moins pire» que son père. Ses cinq confrères roumains sont issus du Parti de la Grande Roumanie, «Romania Mare», dont le chef incontesté Corneliu Vadim Tudor réclame la Bucovie ukrainienne et la Moldavie pour reconstituer la Grande Roumanie de ses rêves. Accessoirement il dénonce le péril magyar et considère que les juifs sont la source de tous les maux: «l’Occident capitaliste juif veut voler la Roumanie et l’a contaminée par des mœurs dissolues et le sida». Le seul représentant bulgare vient du parti nationaliste et populiste Ataka, fondé par un journaliste anticommuniste, Volen Siderov, xénophobe particulièrement antiturc, antirom, antigitan.
Ne pas se tromper d’adversaire
C’est la haine des autres qui unit ces vingt députés. Sur les 785 élus qui peuplent le parlement européen, ils pourraient n’être qu’un moindre mal. Ils ne constituent pas un danger immédiat, ils servent une droite dite modérée, plus arrogante que jamais, dont l’aile la plus réactionnaire n’est guère éloignée de ces excessifs qui dérangent sans doute, mais dont le fonds de commerce ne pose pas de problème: l’extrême droite ne remet pas en question l’ultralibéralisme qui prévaut chez les conservateurs, même si elle en conteste la vision européenne ou mondiale. Après tout, la fraction «Identité, Tradition, Souveraineté» «est opposée à une Europe unitaire, bureaucratique et à un super état européen et s’engage en faveur de la famille traditionnelle en tant que trait d’union naturel de la société».
Combattre l’extrême droite est la moindre des obligations pour les progressistes, mais pas au risque de se tromper d’adversaire: il y a vingt ans déjà, le chasseur de nazis Simon Wiesenthal mettait en garde contre le danger de laisser diffuser la discours de la droite extrême dans les milieux conservateurs et modérés. Il n'est pas superflu de reconsidérer l’avertissement. Dans les milieux dirigeants, partout en Europe, en Suisse aussi, au nom d’une gestion «responsable», les discours et les engagements les plus contestables s’actualisent: la remise en question des lois les plus solidaires, l’insistance pesante des préférences nationales, la limitation des services publics réunissent les conditions d’une société dont l’individualisme est le cheval de bataille. Entre ceux qui hurlent avec les loups de Roumanie, de Bulgarie ou de Flandre et ceux qui sapent les acquis sociaux et recréent d’autres frontières parce qu’ils disent le droit en divisant les citoyens, il existe une communauté idéologique.
Dan Rajtberger
Gauchebdo, Suisse, février 2007