jeudi 27 septembre 2007

Monde & Suisse: Ces gens qui nous gouvernent

L’Assemblée Générale des Nations Unies à New York, rassemble un parterre impressionnant de chefs d’Etats, tous plus soucieux les uns que les autres de contribuer au bonheur universel.
A entendre les chantres de la paix, Georges W. Bush par exemple, ou les champions de l’économie sociale, Nicolas Sarkozy parmi d’autres penseurs, nous sommes en droit d’espérer les lendemains qui chantent que, très modestement, les progressistes du monde entier revendiquent depuis toujours. Maintenant que « la crème de la crème » de nos politiciens s’en mêle, le monde ne peut que croître et embellir. Croître et embellir. Croître et embellir.
Bush, pardon, le Président Bush ment. Son « filleul » français ment. Les autres aussi… Mais le pire est qu’ils nous prennent pour des idiots. Plus rudement encore, ils font comme si nous n’existions pas. Figurez-vous que ça marche. Bush, Sarkozy, Poutine, Blair en son temps et leurs collègues de partout ont été bel et bien élu. Leurs discours sont légitimes, leurs actions aussi. Ils ne sont donc pas totalement responsables de ce qui pourrait … nous arriver. C’est la démocratie en marche qui veut ça : Personne n’est sensé ignorer la loi dit on. Alors pourquoi serait-on sensés rester ignorants avant de poser un acte aussi important que le vote ?
En Suisse, une majorité de citoyens ne votera pas. Et parmi ceux qui accordent de l’importance au devoir civique, un grand nombre votera les yeux fermés sur son propre intérêt. C’est paraît-il honorable mais est-ce raisonnable ? Donner le pouvoir à des politiciens qui, à la première occasion se feront les chantres d’une société d’exclusion, cela équivaut à se tirer une balle dans le pied.
Aux nations Unes, de nombreux chefs d’Etat représentent des électeurs qui ont voté les yeux fermés sur leur propre intérêt. Ils ont le pouvoir de la majorité silencieuse. Personne n’empêchera la Suisse d’être dans le lot des démocraties endormies. Sauf si le citoyen décidait de s’informer… C’est pas gagné. Pour beaucoup de citoyens, le bonheur est dans le pré. Se poser des questions, c’est se priver d’herbe tendre.
En attendant, Bush, Sarkozy, Poutine ont le droit de dire ce qu’ils veulent… Ils sont ce que nous méritons. « La crème de la crème », même si elle est rance.

Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, Septembre 2007

Edition suisse : Une biographie de Léon Nicole


L'homme qui rêva Genève-la-Rouge
« Journal politique successeur de la Voix Ouvrière, fondée par Léon Nicole en 1944 ». En exergue à son titre, Gauchebdo affiche sa filiation à cette presse progressiste qui, envers et contre tous les pouvoirs établis, fut un fer de lance, souvent trop fragile ou dérisoire, des luttes sociales et politiques en Suisse. Notre journal rend, dans la même épigraphe, hommage à Léon Nicole, «plume » acerbe et pamphlétaire, homme politique genevois de premier plan, Conseiller d'Etat, socialiste convaincu, admirateur patenté de Joseph Staline, cofondateur du Parti du Travail… dont il fut exclu.
Nicole écrivait comme il pensait : avec véhémence et conviction. Pour la classe ouvrière, contre la bourgeoisie. Sa carrière politique fut littéralement combative, spectaculaire, contestée et sans doute contestable. Curieusement, sa première biographie est publiée plus de quarante ans après sa mort, comme si le personnage hantait les mémoires politiques de la gauche et de Genève, au point d'en être encore dérangeant.
André Rauber, l'auteur de L'histoire du mouvement communiste suisse ( Slatkine, 1997 et 2000) et ancien rédacteur en chef de la Voix Ouvrière, s'est efforcé de « rendre justice » à Léon Nicole, tentant de faire la part des choses entre le tribun excessif, le militant intègre, le politicien rigoureux, l'homme du peuple, le naïf ou l'autocrate. Il publie aux Editions Slatkine, "Léon Nicole, le franc tireur de la Gauche suisse" (368 pages, 39 francs).
Entretien.

La vie personnelle de Léon Nicole apparaît peu dans cette biographie. Ce communicateur-né était-il à ce point secret ?
Lénine, reprenant Tchernichevski, l'auteur de « Que Faire ? », disait qu'un révolutionnaire doit exclusivement se concentrer sur sa cause. Nicole était de cette eau là : dans le mouvement ouvrier, la cause primait. On ne sait pratiquement rien de la vie privée de Léon Nicole. D'après l'historien Marc Vuilleumier, sa veuve a détruit toute sa correspondance, tous les éléments qui permettaient de se faire une idée de sa vie privée. Je ne peux m'empêcher de penser, mais ce n'est qu'une supposition gratuite, qu'elle a peut-être voulu se venger d'avoir été « secondaire » dans la vie de son mari. Dans son village natal, j'ai rencontré deux de ses petits cousins qui se souviennent à peine de lui. On sait que sa famille possédait une ferme, il en a été question dans la presse en 1936. Il avait un fils et une fille. C'était un père autoritaire : son fils, Pierre, qui travaillait à la Voix Ouvrière, se cachait parfois dans les caves de l'imprimerie du journal pour avoir la paix et éviter ses colères, mais Léon lui reconnaissait des qualités journalistiques. C'était difficile d'être le fils d'un tel père. Ceci dit, Nicole avait l' « esprit de famille » : il avait fait engager ses enfants et certains amis à la COOPI, l'imprimerie du PdT.

On dirait qu'il a toujours dirigé. Les partis, les journaux, les foules. En même temps, il était proche du peuple et souvent aimé…
Léon Nicole n'était pas commode. Il restait distant. Il se positionnait comme un supérieur hiérarchique mais il recevait tout le monde. Il était curieusement naïf, il croyait toujours que les gens étaient victimes de la bourgeoisie et qu'il était de son devoir d'aider tous les travailleurs qui lui demandaient son soutien.
Il était un dirigeant-né, mais un piètre gestionnaire. Il écrivait, il rédigeait des discours, il catalysait les énergies populaires. Il était le patron, tout le monde spontanément le disait, particulièrement au PSG. Mais un patron qui se désintéressait de l'intendance. Quand il a quitté Voix Ouvrière, il a laissé une situation catastrophique.
Ceci dit, il ne souciait pas plus de sa propre intendance. Léon Nicole est mort dans la misère à l'asile de Loëx. En 1952, quand il toucha sa rente AVS, évidemment insuffisante pour vivre, certains de ses amis obtinrent du Conseil d'Etat, dont il fut membre, qu'il lui soit alloué une rente. Ce fut l'objet d'une énorme contestation. La bourgeoisie ne lui pardonnait pas d'avoir « failli mettre Genève à feu et à sang ». La rente fut supprimée.
Il incarnait les espoirs de la classe ouvrière. Son intégrité était incontestable. Conseiller national, il allait à Berne en troisième classe. Il a fallu que ses camarades lui imposent de prendre un abonnement en deuxième classe plus confortable. Les gens n'étaient pas insensibles à son caractère intransigeant et pur. Ils aimaient l'entendre. Il débutait ses discours d'une voix inaudible, obligeant ses auditeurs à faire silence pour l'entendre. Puis il se déchaînait… Il était habité d'un sentiment de classes… Il entraînait les gens parce que la situation politique et sociale son discours se prêtait à la réalité politique et sociale de l'entre deux guerres. Oui, Léon Nicole était un leader populaire mais aussi assez populiste.

Il lui fut aussi reproché d'avoir des tentations fascisantes. Il était question d'un fascisme de gauche.
En aucun cas, il n'a été un fasciste de gauche, comme cela a été effectivement dit.
Le fascisme et le nazisme ont tenté d'appliquer le programme de l'inhumanité , du racisme, de l'exploitation … cela ne colle pas, au contraire, avec la personnalité de Nicole, adepte de l'égalité, de la justice… Il fut en réalité un barrage au fascisme en suisse, il a joué un rôle utile. Ces démocrates bourgeois qui étaient prêts à céder à «l'ordre nouveau » en ont été empêchés par des gens comme Nicole.
Bien sûr, en soutenant le pacte germano-soviétique en 1939, il s'est laissé aller à des phrases terribles : « On apprend peu à peu que c'est vers un régime économique et social à base socialiste (mais d'un socialisme viril) que marche l'Allemagne ». Et le Komintern le montrait en exemple aux communistes suisses beaucoup moins enthousiastes à applaudir la stratégie soviétique.

Comment le définiriez-vous personnellement ?
Sincère, courageux, rebelle, individualiste et narcissique. Il était nicoliste. Voilà ce que je pense.

Son admiration pour Staline et l'Union soviétique a dépassé beaucoup de bornes. Ceci dit, il n'était pas le seul stalinien à l'époque, parmi les socialistes
Il était et est resté, au fond, social démocrate,. Mais voulant un socialisme sans compromission avec la bourgeoisie. Dès les années 20 c’est un partisan de l'Union soviétique puis un admirateur de Staline. Il était attiré par sa stature, par la puissance qui en émanait Rien n'est simple. Effectivement, de nombreux socialistes, par esprit anti bourgeois, considéraient favorablement l'Union soviétique. Mais soutenir Staline, c'était une autre histoire. Au sein du parti socialiste suisse on avait du mal à admettre l'admiration du principal dirigeant de la section genevoise pour le Petit Père des Peuples. Quand Nicole soutint sans état d'âme le pacte germano-soviétique, ce fut trop pour ses amis politiques. Il fut exclu du PSS.

Il était en quelque sorte un compagnon de route des communistes, mais il ne semblait pas les apprécier vraiment.
Léon Nicole n'était pas un idéologue, ni marxiste, ni quoi que ce soit d'autre. Ce n'était pas un révolutionnaire. Il se méfiait des intellectuels. Cela expliquera partiellement ses relations difficiles avec les communistes au sein du PdT dont Jean Vincent à Genève. Ses conceptions dictatoriales étaient confrontées à l'organisation des militants communistes.
Dans les années 20 et 30, Nicole considérait les communistes comme les communistes ont ensuite considéré les gauchistes… des groupuscules irresponsables. Avant guerre, Le mouvement communiste, se développait à Bâle et Zurich…En suisse romande, c'était une secte. Le grand parti socialiste genevois résolument à gauche lui barrait la route. Nicole était très à gauche à la direction du PSS et dirigeait les journaux vaudois et genevois… Dans les années 20, il voyait les communistes comme des diviseurs de la classe ouvrière à Genève, et exprimait son point de vue avec son excès habituel : « un communiste vaut un réactionnaire » ou il les situait comme « un cénacle d'intellectuels russes mandatés par d'infimes minorités des différents pays d'Occident ».
Pourtant, en 1937, prévoyant l'interdiction du parti communiste, il avait proposé la création d'une fraction communiste au sein du parti socialiste genevois.
Je ne sais trop si Nicole a vraiment profité des communistes ou le contraire. Les deux premiers élus communistes à Genève, avant-guerre, étaient sur une liste socialo-communiste. Avec la création du Parti du Travail, en 1944, il me semble que Léon Nicole a « fait la courte échelle » à Jean Vincent et aux communistes du parti. Mais alors que les communistes suisses se sont montrés attentifs aux réalités, Nicole fonçait, intransigeant…

Intransigeant au point de perdre le sens des réalités politiques ?
Léon Nicole fut égal à lui-même. Excessif, borné. Quand le PdT opta pour une politique de défense de la neutralité suisse au début de la guerre froide, il se fit plus que jamais le champion d'une stratégie pro soviétique. Il était persuadé d'avoir raison. Sa position devenait intenable et son exclusion en 1952 était quasiment devenue inévitable. Egal à lui-même donc, il déclencha dans une campagne de calomnies à l'encontre des dirigeants du PdT qui firent eux, en l'occurrence, preuve de lucidité politique et d'abnégation. Selon moi, Nicole était surtout blessé parce qu'il perdait son pouvoir. Au point de tenter de s'allier avec des intellectuels eux aussi moscoutaires, pour essayer de le reprendre.Il échoua.

Que reste-t-il du « nicolisme » au PdT?
Il reste une culture « ouvriériste » indéniable chez un certain nombre d’anciens militants.

Le Léon Nicole socialiste d'avant guerre était plus important que le Léon Nicole « pédétiste » d'après 44 ?
Il n'y a pas de différence entre les deux périodes pour ce qui concerne sa vision politique. Pour lui, le PdT était une « resucée » du Parti socialiste genevois interdit avant la guerre. Il s'imaginait qu'il allait faire avec le PdT ce qu'il avait fait avec le PSG, le diriger sans partage. Les communistes, au sein du parti, l'ont empêché de faire ce qu'il voulait.
Mais son rôle fut plus considérable avant 40.
Du gouvernement cantonal « rouge » auquel il a participé entre 1933 et 1936, il ne reste pas grand-chose de palpable. C'était la crise, les banques bloquaient les tentatives de faire évoluer la société, le conseil fédéral, le gouvernement ont tout fait pour empêcher le gouvernement de gauche de fonctionner.
Les années trente furent spectaculaires du point de vue politique, les événements de novembre 1932, le gouvernement cantonal de gauche, la guerre d'Espagne avec le départ de volontaires suisses…. Nicole n'était étranger à rien.

La gauche suisse a-t-elle besoin d'un autre Léon Nicole ?
Léon Nicole manquerait à la gauche, dans une certaine mesure, comme catalyseur des énergies populaires. Mais il ne correspond plus à l'époque… Il est typiquement un personnage de son temps….. Son monde était divisé entre ouvriers et bourgeois.
propos recueillis par Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, Septembre 2007

Edition suisse: une biographie de Léon Nicole


Suisse : Il fallait « tuer le père » du PdT

Si je devais résumer l’histoire et l’épopée de Léon Nicole à des adolescents plus ou moins attardés, en mal de héros suisse, je dirais : « Léon Nicole c’était le mec plus ultra de la classe ouvrière ». Il fut honni par les bourgeois agacés de trouver à qui parler en des temps où les pauvres ne se révoltaient que pour survivre; haï par les fascistes qui, sans des hommes tels que lui, auraient trouvé le terreau helvétique plus malléable pour gagner à leurs idées nauséabondes des bien-pensants intrigués par Mussolini ou Hitler; rejeté par les socio démocrates trop enclins à la collaboration de classes avec les conservateurs dans l’espoir de partager le pouvoir. Et quand il fit le plein de ses ennemis de droite, Léon Nicole s’offrit aussi une dose d’inimitié parmi ses amis de gauche. Parce que ce héros de la classe ouvrière était aussi l’anti héros de ses propres rêves.
André Rauber a écrit cette biographie de Léon Nicole avec le souci de faire œuvre d’historien. Rigoureusement, les faits défilent, l’auteur s’est évertué à conserver, autant que faire se peut, une distance avec les événements comme s’il craignait qu’une évaluation trop personnelle ne nuise à la vérité. Ce n’est pas un livre objectif. C’est un livre honnête. Rauber ne fait pas dans la littérature, il ne s’émancipe pas de sa fonction de chercheur et de découvreur d’information. Il raconte Léon Nicole, il rapporte les éléments qui concrétisent l’histoire. Et les faits se suffisent à eux-mêmes. Sauf qu’il ne raconte pas seulement la vie d’un personnage hors du commun dont on a parfois du mal à apprécier toute la grandeur et plus de mal encore à comprendre les petitesses. Il fut donc un géant, lui qui était plutôt petit de taille. Et il influença deux générations de progressistes. C’est aussi de cela dont il est question dans le livre de Rauber : deux générations de femmes et d’hommes qui ont du, à un moment ou à un autre, se déterminer par rapport à Léon, au patron, au chef du gouvernement genevois, au stalinien obtus… Les dirigeants communistes, au sein du Parti du Travail, ont écrit avec un sang froid remarquable et un sens de l’histoire incontestable, le dernier chapitre de la vie politique de Léon Nicole. Ils l’ont exclu, en pleine guerre froide, pour ne pas le suivre dans une dérive stalinienne suicidaire et pour maintenir le Parti dans la communauté nationale attachée à la politique de neutralité. Ils ont du « tuer le père ». André Rauber décrit dans les deux derniers chapitres du livre huit ans d’Histoire partisane, dans le détail. Huit ans, pas plus, qui se lisent comme un roman politique. Et de choisir une citation de Primo Levi pour conclure, dont je ne retiendrai qu’une phrase : « Puisqu’il est difficile de distinguer les vrais prophètes des faux, méfions-nous de tous les prophètes » (Si c’est un homme)

Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, Septembre 2007

jeudi 13 septembre 2007

Belgique : Le surréalisme élevé au niveau de l’art…brut

Les Belges se font une raison. Leurs dirigeants ne s’entendent plus. Ils sont donc condamnés à s’entendre. La dernière histoire belge pourrait servir d’exemple. Le danger populiste est partout. Les flamands jouent au poker menteur. En on-ils les moyens ?


Le 12 septembre, le Vlams Belang, parti nationaliste flamand, xénophobe, ultra libéral, défenseur patenté de la dignité et des droits des anciens collaborateurs nazis, a annoncé, dans un communiqué, qu’il portait plainte auprès du « Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme » contre des policiers « liégeois » qui avaient appréhendé ses dirigeants participant à une manifestation interdite «anti-islamiste », à Bruxelles. Accessoirement, le communiqué précisait que le bourgmestre (maire) de Bruxelles et le chef de sa police étaient de « vulgaires menteurs ». Le Vlams Belang, qui réunit le suffrage d’un flamand sur quatre, dénonce le comportement brutal de la police et son attitude anti-flamande.
Si le lecteur de Gauchebdo, qui n’est pas belge ou qui n’a pas passé une semaine dans le plat pays, ne comprend rien ou pas grand-chose à ce qui précède, c’est qu’il n’a pas cette fibre caractéristique et multilingue des compatriotes de Brel, Simenon ou Magritte : il n’a pas la fibre surréaliste, cet élément essentiel, voire existentiel pour comprendre ou admettre la légitimité profonde de La Belgique.
Explication de texte donc : les parlementaires d’un parti fasciste s’étonnent que la police ait fait son travail pour empêcher une manifestation de haine à l’égard des musulmans habitant à Bruxelles. Qui plus est, ils n’ont même pas été tabassés ou arrêté en flamand, ce qui leur semble un comble.

Trois mois après les élections, l’Europe s’émeut, plus que le Belgique elle-même, des velléités d’une apparente majorité de flamands de réduire à presque rien l’Etat fédéral. Les dirigeants socio chrétiens flamands vainqueurs des dernières élections législatives, sont à la merci d’alliés flamingants encombrants qui les laisseraient choir si les revendications nationalistes et souverainistes n’étaient pas affirmées. La Flandre pourrait ne plus vouloir de la Belgique, si la Belgique maintenait les liens forts entre les communautés. Ce n’est pas encore l’équipe nationale de football qui est en question (il reste quelques Wallons qui jouent pas trop mal), mais bien tous les mécanismes de solidarité sociale et économiques. La « Flandre qui gagne » ne veut pas de la « Wallonie qui se traîne ». Par contre la Flandre qui gagne veut bien de la Région Bruxelles Capitale, dont 85% de la population est francophone. Bruxelles est la capitale de la Flandre tout en étant celle de l’Europe et de la Belgique. Les Wallons, les proches cousins des Bruxellois, avaient choisi, avec une intelligence pratique qui reste discutable, Namur une petite ville au bord de la Meuse pour siège de leur gouvernement. Par contre la Communauté française de Belgique, qui réunit Bruxellois et Wallons en un gouvernement et un parlement, siège à Bruxelles. Donc les Flamands veulent Bruxelles mais Bruxelles ne veut pas des Flamands. A vrai dire, Bruxelles ne veut pas non plus trop des Wallons, mais ce sera une autre histoire belge, un jour peut –être… si le Roi Albert II, Roi des Belges… mais pas roi de la Belgique, avait encore, dans les années qui viennent, l’occasion de s’exprimer dans les trois langues nationales (dont l’allemand) en commençant par : « mes chers compatriotes… ». La Flandre n’a pas les moyens de « se payer » Bruxelles. Trop chère la capitale de la Belgique. Tellement chère que les excès nationalistes n’y changeront rien.
La question flamande est une question de sous. Aujourd’hui, la Flandre finance les tentatives de redressement de la Wallonie, le vieillissement de sa population, le chômage endémique. Et les Wallons, hélas, paient cash les scandales politiques et financiers qui ont perduré sur deux décennies, sans doute aussi une absence d’ambition politique pour relancer une région dont les joyaux industriels se sont écroulés il y a plus de trente ans. Ca fait mauvais genre vu de Gand ou d’Anvers. Par contre la Flandre succombe à tous ses démons réactionnaires. Ceux qui parlent en son nom expriment des nostalgies nauséabondes qui rappellent qu’hélas, les Flamands ne furent pas toujours du bon côté de l’Histoire. C’est l’Europe, qui risque de payer ce nationalisme là, quand s’ouvriront les boîtes à pandores régionalistes d’un côté à l’autre du continent. Du côté de Liège ou de Charleroi , ça fait mauvais genre aussi. Et l’économie flamande si performante pourrait être victimes de ces démons-là. Les entrepreneurs s’inquiètent. Il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’en Flandre l’évaluation de Karl Marx en 1869 soit encore de rigueur : Ce petit pays unique et béni, c'est la Belgique, l'Etat modèle du constitutionnalisme continental, le confortable paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés.»
La réalité de la Belgique démontre, en 2007, une autre affirmation de Marx selon laquelle tous les conflits ne sont que l’expression de la lutte des classes.

L’erreur majeure serait de croire que l’exemple belge est unique malgré la spécificité surréaliste qui le caractérise. Partout où le discours réactionnaire se nourrit de la haine des autres, partout où des dirigeants nationalistes et populistes trouvent un terrain fertile parmi les gens les plus fragiles avec le soutien du grand patronat, partout où l’idée de la lutte des classes est bafouée ou niée, le risque est grand de voir s’installer des régimes financiers, boursiers plutôt que des gouvernements citoyens.
Partout, même en Suisse, quand il sera dit : « les romands sont fainéants et nous coûtent de l’argent ».

Ron Linder

Vatican: Le politicien Benoît VXI ne confesse pas encore sa stratégie

Le Pape est en croisade. Il fustige la tolérance qui consisterait en une « indifférence privée de références à des valeurs permanentes ». Il stigmatise le droit à l’avortement « qui est le contraire d’un droit de l’Homme » qu’il dénonce en toute circonstance, même pour des raisons thérapeutiques. Le Catholique Suprême surprendrait s’il s’exprimait autrement. Il ne serait que l’ombre de lui-même. Défenseur d’une Eglise dont il ne veut voir qu’un clocher, il met les points sur les i dans tous les domaines, avec sobriété et entêtement. Non à l’euthanasie, non à l’utilisation des préservatifs pour combattre la pandémie du Sida, non à l’avortement, oui à une église conservatrice, non à une église populaire. La liste n’est pas exhaustive, loin s’en faut. La politique papale tend à réunir les catholiques soucieux d’une église forte, concentrée, prête à mener le combat spirituel contre les croyances « autres », chrétiennes ou non. Et contre celles et ceux qui persistent à accorder leur préférence à l’Humanité.
A Vienne la semaine dernière, Benoît XVI s’est penché sur l’Europe dont il estime qu’elle ne remplit plus son rôle de « meneur ». Il a rappelé que notre continent avait une « responsabilité unique dans le monde » et a regretté de voir l’Union européenne « renier ses racines chrétiennes ». Le Pape faisait allusion à l’absence de la mention « christianisme » dans le préambule du traité constitutionnel de l’UE.
C’est donc l’Europe qui devra, selon les politologues du Vatican, constituer la base stratégique et idéologique pour faire front dans un monde où l’ennemi, presque par définition épiscopale, porte haut les couleurs de l’Islam ou les bontés d’une philosophie orientale qui fait son chemin. Au point où il en est de ses déclarations politico-religieuses, Benoît XVI envisagerait un Yalta de fois et croyances. A chacun son territoire. Le monde catholique perd du terrain en Afrique et en Amérique du sud, au profit des Musulmans et des Chrétiens évangéliques.
Ce qui devrait inquiéter les Laïques, c’est que le Pape ne joue pas les Don Quichotte. Il est armé de certitudes plus moralisatrices que morales et soutenu par des alliés bien réels et bien actifs. Sa bataille spirituelle risque de tourner à l’aventure politico-on-ne-sait-trop-quoi avec des alliés « à haut risque » partout en Europe, dans les mouvances les plus droitières du monde politique. Les Polonais ne sont pas les seuls à être encore nombreux à croire que les choix de Rome doivent être pris en compte pour choisir un gouvernement. Le consensus existe dans le monde chrétien toutes obédiences confondues, pour un monde plus dépendant de Dieu (et de ses représentants sur la terre) que des Hommes.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, Septembre 2007
Longue absence... mais pas sans intérêt...
Entre ma Belgique natale qui s'effiloche et la gauche de la gauche genevoise qui joue à cache-cache avec son ombre... avec le monde tel qu'il est j'ai matière à penser, me tromper, rédiger...