samedi 21 avril 2007

Genève: Pierre Maudet, le sarkozyste de service

Comparaison n’est pas raison mais rien n’empêche de constater qu’il y a quelque chose de Sarkozy en Pierre Maudet. De Sarkozy et de Bayrou. Le jeune loup de la politique genevoise qui considère que " la politique française préfigure souvent ce qui va se passer en Suisse " se situe d’ailleurs sans difficulté dans la " mouvance sarkoziste " : " je crois moi aussi en une droite populaire, explique-t-il à Gauchebdo. Sarkozy m’intéresse par son sens du marketing et l’esprit professionnel du politicien ". Au-delà des formules, il y a aussi cette méthode qui consiste à s’affirmer à droite en élargissant le spectre de ses pensées sur les plates-bandes des autres partis. Pierre Maudet prône les vertus du libéralisme économique et argue d’un esprit social. Surtout, il considère la gauche, plus précisément ce qu’il nomme l’extrême gauche, comme archaïque, voire ringarde. Comme tous les politiciens de droite, il se situe ipso facto dans la modernité : "la notion de gauche et de droite est dépassée. D’un point de vue sociétal je me sens plutôt à gauche. " Il n’empêche que c’est de l’UDC que ce " sociétal de gauche " espérait le retrait au prix de quelques concessions pour mieux affronter la gauche en ville de Genève : " je ne travaille pas avec l’UDC. Je n’ai rien de commun avec ce parti. Ce que nous espérions c’était le retrait de la candidature d’Yves Niedegger. En aucun cas nous n’envisagions de faire liste commune. En politique, je suis pragmatique. Dans l’opposition municipale, face à une très forte majorité de gauche influencée par l’extrême gauche, je n’ai eu aucun état d’âme pour mener la vie dure aux magistrats. Si demain je devais siéger avec Remy Pagani, je n’aurais pas non plus d’état d’âme ni de préjugés pour travailler. " Un vrai pro Pierre Maudet, un homme de dossiers, assis sur les valeurs du radicalisme laïc, sensible aux réalités de la jeunesse dont il est apparemment un maillon fort. Sauf que son discours est curieusement pris dans les glaces du conservatisme : à propos de la sécurité, par exemple: " bien sûr que Genève n’est pas le Bronx dit Pierre Maudet. Mais les gens ont le droit de sentir en sécurité." Tout est dans les mots, à défaut d’insécurité réelle, il convient de rassurer la population. Et de redistribuer les cartes en jouant sur les intérêts du citoyen : " les ASM doivent avoir un autre rôle que celui qui consiste à distribuer les amandes "…
La " locomotive " de la droite pour l’exécutif genevois est sur les rails pour pourfendre tout ce que la gauche considère comme prioritaire, tout ce qu’elle a réalisé ces vingt dernières années au nom des solidarités nécessaires.
RLr, Gauchebdo, Suisse, avril 2007

France : Malika Zediri (PCF): " les gens nous reprochent la désunion de la gauche antilibérale "

Rebelle et loyale, Malika Zediri, conseillère régionale communiste d’Ile de France, a parrainé la candidature de José Bové et fait campagne pour Marie Georges Buffet pour les présidentielles. L’élue, qui avait souhaité une candidature unique de la gauche de la gauche, prévoit des lendemains qui déchantent pour les forces progressistes dont les opinions ne sont, dit-elle, plus comprises ou plus entendues dans les Cités de la région parisienne, sa " terre d’élection " : " les électeurs potentiels existent en nombre dans les Cités. De là à dire que les gens, et particulièrement les jeunes, vont voter, il y a de la marge. Et ceux qui voteront le feront dans tous les sens. La Cité est un morceau de France. Toutes les opinions s’y côtoient. Même les pires. La gauche n’y est pas en terrain conquis, contrairement à ce que beaucoup pensent. L’autre jour, sur la " dalle " de Choisy, les jeunes envisageaient l’ensemble de l’offre, de " pas voter " à Sarkozy en passant par le vote blanc. Dans le métro, un " black " me disait qu’il avait toujours voté à gauche mais que cette fois il n’était pas certain de son choix. Reste que la crainte de voir réapparaître Le Pen au second tour fait de l’effet : beaucoup voteront Ségolène Royal. Quand à la gauche de la gauche, même dans les municipalités où le PCF reste influent, elle n’est… " nulle part ". Le changement tel que nous le préconisons n’est pas en débat. Les médias jouent un rôle redoutable dans l’esprit de décision des électeurs, j’ai rarement vu ça. Les jeunes voteront pour les " vainqueurs " annoncés par les sondages. C’est sans doute absurde mais pas illogique dans leur conception du quotidien. Marie Georges Buffet avec ses deux pour cents annoncés est une " looser ". Les nouveaux électeurs veulent contribuer à une bataille de vainqueurs, au combat Sarko-Royal, ils veulent jouer à se faire peur avec la perspective d’un duel Sarko-Le Pen, ils veulent avoir de l’importance, que leur vote soit nécessaire… Ils se disent, comme tant d’autres en France, " essayons Bayrou, essayons le centre ".
Mener campagne sur le terrain semble dès lors compliqué pour les militants communistes et des autres organisations progressistes : " en dehors des grands meetings dans les grandes villes, il n’y a plus de gros rassemblements populaires, l’ambiance n’est pas gaie, il n’y a pas de débat sur le fond. Comme si l’électorat de gauche était… en panne. Les propositions de Marie Georges Buffet, le changement réel et efficace qu’elle préconise, ne trouvent pas " preneur " sur le terrain. Pas parce qu’elle ne défend pas les bonnes idées. Mais parce qu’elle ne fait pas rêver. Voilà le problème, nous ne faisons plus rêver. Tous les jours, je pratique la même approche auprès des gens : je prône en priorité l’opposition à Sarkozy et le Pen, ensuite, et ensuite seulement, je fais valoir le vote à gauche. Et je me retrouve presque toujours devant la même réaction : " vous êtes pitoyables avec vos divisions. On aurait soutenu un candidat unique de la gauche de la gauche. Ils se présentent à quatre, c’est minable. " Tout est dit… on roule contre la droite plus que pour notre candidate. Mais nous ne pouvons pas nous permettre d’être absents. L’avenir, les législatives, s’annoncent dramatiques, je le crains, pour le parti communiste. Nous devons nous attendre au pire. Et le pire sera que le Parti socialiste considère d’autres alliances, moins à gauche. Or le PCF ne tient que par ses onze mille élus, plus par ses structures militantes. Nous sommes malades de l’intérieur et nous n’avons pas réussi à nous unir avec les autres antilibéraux pour une échéance aussi symbolique que l’élection présidentielle, même si j’estime que c’est la LCR de Besancenot qui est responsable de l’échec d’une alliance de gauche. Les gens nous reprochent notre faiblesse..
Malika Zediri ne cache pas ses sympathies pour l’unité antilibérale, mais ne le souhaite pas désorganisée. Elle s’inquiète des velléités des amis de José Bové et des organisations trotskystes de présenter " par principe " des listes dans de nombreuses circonscriptions aux les élections législatives. Cela… confirmerait la marginalisation de la gauche combative et affaiblirait encore le parti communiste : " Personne n’est dupe, le PCF est à la merci du PS… qui sera peut être tenté par des alliances plus ou moins concrètes avec le centre. C’est la fin d’une époque. Si aux yeux des électeurs, le PCF est inclus dans " l’extrême gauche ", il perdra sa spécificité. Paradoxalement, je crois que des candidatures antilibérales unitaires pèseront sur le PS et lui éviteront de se " droitiser ". Cela évitera aussi la marginalisation du parti. Sinon les scores obtenus limiteront sensiblement notre influence pour les seconds tours. Nous sommes à un tournant de l’histoire du parti communiste en France. Ce n’est pas le score de Marie Georges Buffet qui est en question, c’est notre capacité de jouer un rôle efficace et influent dans la construction de la gauche de demain. "
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, avril 2007

France: l’Ecolo gît

José Bové est un candidat écologiste caché sous les oripeaux d’une gauche combative en détresse. Il dispute à Dominique Voynet, la candidate estampillée de l’écologie politique, les idées les plus performantes sur les énergies renouvelables, le nucléaire, l’agriculture, la biodiversité… Et dans l’ombre, à l’affût en quelque sorte, apparaît le représentant de la ruralité batailleuse, Frédéric Nihous. Ils ont en commun cette particularité : leur thème de prédilection est à peine à l’ordre du jour de la campagne présidentielle. Comme si le coup médiatique de Nicolas Hulot obtenant la signature des principaux candidats au bas de son Pacte écologique avait réduit les revendications environnementales à rien ou presque.
Quoi qu’il en soit, la déprime est totale chez les trois amoureux officiels de la nature.
Dominique Voynet ne sait d’ailleurs plus sur quel air rappeler les dangers d’un oubli des grands dossiers de l’écologie. Sa campagne est littéralement sous l’éteignoir et comme tous, à gauche, elle subit les affres du vote utile en faveur de Ségolène Royal.
José Bové est moins concerné par son score électoral. Il s’est positionné dans le camp antilibéral avec un programme surréaliste mais indubitablement écologique. En l’occurrence il entend faire valoir quelques prétentions pour présenter des listes aux élections législatives qui suivront les présidentielles. En fait, la candidature de José Bové pourrait être la dernière en date des candidatures anticommunistes de l’Histoire, tant il est évident qu’elle est à la fois inutile, inefficace, démagogique et ouvertement hostile à celle de Marie Georges Buffet. Dans la foulée, Bové a entraîné une flopée de militants et d’élus communistes persuadés que l’union de la gauche combative méritait un coup de force ou une fracture avec le PCF. C’est le cas à Marseille où les élus communistes qui lui sont favorables l’ont entraîné dans une cité populaire pour participer à un " aïioli citoyen " et boire du " Che Cola ", un cola sans OGM.
Bové se marque à gauche de la gauche de la gauche, dans cet espace qui se réclame des grandes figures populaires et des bons sentiments " droitdelhommistes " sans complexe. Il tient un discours pour le changement immédiat, velléitaire autour de phrases clés, " le droit à la dignité ", " le changement est possible tout de suite ". Ca mange pas de pain. C’est sans doute là le problème.
Quant à Frédéric Nihous, il poursuit sa course en solitaire avec, comme seule préoccupation, de faire mieux que Dominique Voynet. Il est visiblement dans son monde à lui revendiquant une autre Europe plus proche des chasseurs, plus ouverte aux problèmes des pêcheurs, moins européenne en fait pour permettre, dans chaque pays, le maintien des us, coutumes et traditions. Cela peut sembler curieux comme programme. Mais ce n’est fondamentalement pas très éloigné des programmes de certains eurosceptiques suisses.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, Avril 2007

samedi 14 avril 2007

Suisse: C’est pas la faute à pas de chance

Les résultats décevants des différents scrutins et votations confirment l’affaiblissement des forces progressistes. La campagne personnalisée de Josef Zisyadis pour le Conseil d’Etat a échoué, le nombre de parlementaires de la gauche combative au Grand Conseil vaudois a fondu comme peau de chagrin, les élus municipaux dans le canton de Genève sont moins nombreux que jamais. Peut-être dans le canton de Vaud, a-t-on sous-estimé l’importance du législatif au profit de l’exécutif et sans doute à Genève a-t-on surestimé la capacité des organisations de gauche et du monde associatif à faire connaître AGT ! en temps voulu.
Appelons un chat, un chat : quelles que soient les analyses expliquant le contraire, les évaluations les plus plausibles, les démonstrations " chiffres à l’appui " et l’esprit de lutte qui nous caractérise, A Gauche Toute !, cette plate forme qui unit les progressistes, additionne les échecs électoraux et sème le trouble parmi les militants des partis qui la composent.
On ne répétera jamais assez à quel point l’alliance électorale des forces progressistes est nécessaire. Mais il ne sera jamais assez dit non plus qu’une alliance doit impliquer, presque par définition, des partenaires solides.
Pour les militants et les dirigeants du PST, mais on peut décemment supposer que cela est également vrai dans les autres partis, il conviendrait de revenir aux sources, de réinvestir les quartiers et les lieux de vie pour expliquer le fond, de relancer les formations politiques, de réinventer l’art d’être à gauche, de retrouver le sens des mots et des actions.
L’ennemi, c’est l’individualisme forcené dont sont littéralement victimes les citoyens. Un ennemi d’autant plus coriace que rien ou pas grand-chose ne vient contester son hégémonie dans la société.
Il ne suffit plus de s’affirmer " pour les pauvres gens ". Il est désormais urgent de rendre l’espoir à ceux que nous prétendons représenter ou servir. L’espoir. Celui qui fait vivre.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, avril 2007

Genève: Catherine Gaillard persiste et signe: "je n'envisage pas de quitter AGT!"

" solidaritéS n’a pas joué le jeu à mon égard ". Catherine Gaillard ne décolère pas. La candidate malheureuse à la candidature au Conseil administratif de Genève tient un discours paradoxal après avoir sidéré ses amis politiques par ses déclarations intempestives à la presse genevoise : " Depuis un an au moins, ma candidature était incontournable. La presse et les milieux politiques la considéraient comme légitime. Je m’étais inquiétée auprès de solidaritéS de la position à prendre. On me répondait : " dis que t’en sais rien ". Personnellement, j’étais hésitante. Ce fut le silence radio. Mon parti n’a pas bougé. J’ai revendiqué à plusieurs reprises, en vain, une assemblée pour que la question soit soulevée. En réalité, solidaritéS avait déjà choisi la candidature de Remy Pagani. Et lui voulait être candidat. J’ai été isolée au sein de ma propre organisation. ". Catherine Gaillard s’attendait donc à ne pas être retenue par les militants d’A Gauche Toute ! au lendemain de la débâcle électorale du 25 mars : " la courte avance de Rémy Pagani en voix de préférence n’explique pas le rejet de ma candidature. Je considère qu’il s’agit de la part de mes camarades et des autres organisations de gauche, d’un choix sexiste délibéré. J’ai servi d’alibi en tête de liste aux municipales, il eut été impensable que les femmes ne soient pas présentes aux meilleures places sur la liste d’AGT !. Les partis qui composent la plateforme sont en perte de vitesse, le rôle des féministes en son sein est indéniable. Mais envisager une femme pour le conseil administratif n’était pas à l’ordre du jour. Ni solidaritéS, ni le PdT n’acceptaient l’idée de présenter une féministe. Le vote presque unanime des militants du Parti du Travail en faveur de Pagani le démontre. Il fallait un candidat qui ait le profil adéquat, issu d’un syndicat, pourquoi pas, militant de longue date pour la cause des travailleurs, sans doute. Il ne fallait pas une féministe, liée aux milieux culturels, attentive aux droits de toutes les minorités dont les minorités sexuelles. Alors, mes convictions, je les défends. Je mène la lutte et puisque j’ai la conviction que mes idées et moi-même, n’avons pas été respectées, je ne respecte rien ! Je souhaite la défaite de Rémy Pagani. ".
Reste que Catherine Gaillard est élue du groupe AGT ! au conseil municipal de Genève : " je n’envisage pas de quitter le groupe AGT ! j’y représente un courant de pensée et je n’ai pas l’intention de m’effacer. Mes déclarations à la presse, je les assume. Je ne les trouve pas excessives. Faire de la politique, c’est aussi prendre des risques. J’en prends. Quant aux décisions des militants d'AGT !, je les respecterais si j’avais la certitude que les dés ne sont pas pipés au départ : je suis une artiste, je gagne ma vie en faisant mon métier, en trouvant les contrats, en assurant ma propre logistique professionnelle. J’ai pendant quatre ans assuré ma tâche d’élue municipale… Derrière Remy Pagani, il y avait les structures partisanes, une organisation…ou plusieurs. "
entretien, Gauchehebdo, Suisse, avril 2007

Genève: Les saines colères de Salika Wenger

Salika Wenger, la présidente des Indépendants de Gauche, conseillère municipale nouvellement élue sur la liste AGT ! à Genève et notre collaborateur Ron Linder sont amis. Nous vous proposons un extrait reconstitué d’une de leurs conversations suite aux épanchements de Catherine Gaillard dans les médias genevois après la désignation de Rémy Pagani comme candidat d’AGT ! au Conseil Administratif. (Pagani et Gaillard sont issus de " solidaritéS ", aujourd’hui indubitablement la principale structure électorale d’AGT !, qui a ces dernières années " placé " ses militants à tous les postes électifs disponibles pour la gauche de la gauche dans le canton de Genève.)

- Salika ? on m’a dit que t’es plus en colère
- Quoi ?
- Que tu t’es faite éjecter du mouvement " les femmes en colère " parce que tu avais voté contre la candidature de Catherine Gaillard pour représenter A Gauche Toute ! aux élections du Conseil administratif de Genève…
- …
- T’es toujours en colère ?
- Je risque pas de me calmer si tu n’arrêtes pas de m’asticoter. Oui, j’ai préféré Pagani à Gaillard. Je te signale que les deux tiers de l’Assemblée d’AGT ! ont préféré Pagani à Gaillard. Et franchement, au vu du spectacle de cirque que Catherine nous offre dans les médias genevois, je me dis que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je confonds pas tout : On fait de la politique et, plus compliqué encore, de la politique de gauche. Avec les résultats que l’on vient de s’offrir à Genève, on va plus faire dans la dentelle. La gauche de la gauche est en phase de reconstruction : vive la sociale ! Pagani, le combat social c’est son truc. Il est mandaté pour être à gauche, s’occuper de l’essentiel, de l’emploi, du logement, de la lutte contre la mendicité en ville… J’ai été pragmatique. Et ne me demande pas si je suis encore féministe, tu perdrais de ta crédibilité.
- T’es encore féministe ?
- C’est même pas une question qui fâche… Avec Catherine Gaillard et tant d’autres femmes de tous bords, je suis en lutte permanente contre le patriarcat, contre la société créée par et pour les hommes, contre le discours et la langue imposée par les hommes, et même si ces trente dernières années, nous avons vécu une immense révolution dont on ne calcule pas encore vraiment l’impact, on stagne encore à des années lumières de la société égalitaire à laquelle il n’est pas exagéré d’aspirer. Le rapport de domination hommes/femmes doit être aboli.
- C’est un combat spécifique aux femmes de gauche ?
T’es fâché avec la réflexion camarade ? La lutte contre la pauvreté, contre les injustices, est un combat féministe : les plus faibles, les plus fragiles dans toutes les sociétés, ce sont les femmes et leurs enfants.
- Donc tu t’es fait éjecter des " femmes en colère "… Note, elles disent que tu t’es auto éjectée.
- C’est un procès en sorcellerie. Ces dames ont décrété que je n’étais plus des leurs. Un échange de mails a suffi.
- Tu vas créer le mouvement des " femmes en rogne " pour garder le rythme…
- Je vais surtout éviter de te raconter ma vie si tu persistes à te marrer. La vérité est que nous ne parlons pas toujours du même féminisme. Mon féminisme je l’inclus dans la lutte des classes. Mon combat concret, c’est celui contre les violences domestiques, pour une assurance maternité, pour les femmes sans papiers, en faveur de l’action syndicale, contre la disparité dans le milieu du travail. Catherine, je l’ai pas vue dans ces combats. Pagani, il y a des années qu’il est sur la brèche. Pour la défense des intérimaires, des employées des petites entreprises ou des commerces. Je ne me trompe pas de priorités. Nous n’existons pas seulement dans un parlement ou un conseil municipal. Les femmes ont virtuellement acquis leurs droits politiques en Europe. Pas leurs droits sociaux ou économiques.
- Tu décris une gauche active et combative. Tu estimes donc que l’action politique de Catherine ne s’inscrit pas dans la lutte des classes ou pour plus de justice sociale ? Il n’empêche qu’elle était la tête de liste de l’AGT ! à Genève. C’est idiot, elle a été élue de solidaritéS pendant quatre ans, présidente du Conseil municipal et on découvre, parce qu’elle pète un plomb et s’étend dans les médias, sur tout le mal qu’elle pense de ses petits camarades, on découvre qu’elle n’est pas politiquement au point… On a l’air malin.
- Tu le fais exprès Linder ? Elle était tête de liste pour défendre notre programme, notre politique, pas pour faire une campagne personnelle. C’est pas la Star’Ac !
- T’énerves pas Salika…
- Ca me met en colère…
- Alors tout va bien.
- Non, on n’a pas les moyens de perdre des gens de qualité. D’ailleurs j’aimerais savoir comment Catherine Gaillard compte rester dans le groupe AGT ! Selon moi, rien ne justifie qu’elle continue à siéger. Et en plus, certains bruits laissent entendre qu’elle briguerait la présidence de la commission culturelle à la ville.
- Je suis toujours surpris de constater à quel point la gauche combative en Suisse arrondit les angles qui devraient être pointus.
- Ouais, mais bon, la camarade Gaillard, y a que l’assassinat politique virtuel qu’elle a pas encore essayé.

Genève: Rémy Pagani : je chausserais sans complexe les souliers du magistrat


Remy Pagani sera le candidat d’A Gauche Toute ! aux les élections des conseillers administratifs à Genève, le 29 avril. Il tentera, sur la liste de l’Alternative, avec deux socialistes et un vert, de préserver une majorité de gauche face aux partis de droite réunis au sein de l’Entente et une candidature UDC. Entretien.


Vous succéderiez à des conseillers administratifs de la gauche combative qui laissent des traces de leur passage et un héritage non négligeable. Que retenez-vous des mandats de Hédiger et Ferazino ?

Les deux ont été attentifs au développement et aux acquis d’une fonction publique de qualité. Contrairement au canton, la ville peut se targuer d’avoir maintenu le niveau nécessaire au service du public. Ça c’est une réalité tangible et efficace d’une politique progressiste, une gestion intelligente du capital humain.

Est-ce un pari particulier pour un syndicaliste professionnel ?

Si je suis élu, je chausserai sans complexe, les souliers du magistrat. L’expérience du terrain aidant, je serai en mesure d’harmoniser la fonction et les convictions. En matière d’emploi et de relations humaines par exemple, je défendrais des idées maîtresses de la gauche combative, la promotion des femmes, l’augmentation des postes d’apprentissage, la valorisation des capacités, une direction " collaborante ". Le système hiérarchique pyramidal devrait aussi évoluer : je préconiserais la constitution d’équipes de 20 à 30 personnes avec des délégations de pouvoir très importantes, des coordinateurs dont les mandats seraient renouvelables… La ville doit fonctionner comme une entreprise performante... au service du public.

Ce sera une élection difficile : A Gauche Toute ! a connu un échec redoutable aux municipales

Je veux marquer mon engagement. Si je perds, que ce soit au nom de mon encrage à gauche, et si je gagne, qu’il ne fasse aucun doute que je revendique ce positionnement. Cela ne m’empêcherait pas de travailler avec les conseillers élus par le peuple, mais je me positionnerais sans ambiguïté. Il faut par ailleurs assumer les mauvais résultats d’AGT ! et constater notre échec. Le nom n’est sans doute pas bon ou assez performant, nous n’avions pas non plus de magistrat pour mener la liste et nous ne devons pas nier que le corps électoral a favorisé les compromis politiques, un recentrage qui nous a été défavorable évidemment.
Pour des partis et organisations progressistes, il est difficile de faire face à l’individualisme forcené qui éloigne le citoyen de l’action militante ou sociale. Le citoyen est épuisé par l’impact de la vie professionnelle, sa vie sociale en est littéralement meurtrie… Il n’en demeure pas moins que je reste favorable à la création d’une organisation unique à la gauche du PS et des Verts ? Nous ne pourrons pas faire autrement que nous entendre. Le contraire est illusoire.
Mais notre ambition est essentielle. Comme ce fut le cas au Grand Conseil, notre absence ou notre marginalisation rendraient les Verts et le PS plus attentifs aux chants des sirènes de la droite. Dans la mesure où nous restons des partenaires crédibles, ils devront veiller à maintenir la barre à gauche autant que possible.


Vous ne manquez pas vraiment d’expérience pour briguer le poste

L’image du syndicaliste sans autre expérience ne s’applique pas à moi en effet. Au Grand Conseil, j’ai été directement intéressé aux dossiers fondamentaux en commission des travaux, législative, sociale et de l’aménagement du territoire. J’ai été aussi, pendant 10 ans, éducateur en charge d’enfants en grande difficulté, puis je me suis battu, avec un certain succès, pour la gestion d’un syndicat autogestionnaire. Je continue d’ailleurs à lutter pour un meilleur encadrement des personnes âgées et des projets immobiliers.

Vous n’êtes pas que syndicaliste d’ailleurs. Vous êtes aussi romancier

Le jour où les travailleurs auront le temps et l’énergie d’écrire un livre, la classe ouvrière sera libérée… Je ne sais plus qui a écrit ça. J’ai expérimenté l’écriture. C’est une manière de réfléchir et de…se réfléchir. Les travailleurs doivent en effet libérer le temps pour accéder aux arts. En racontant la vie des gens dans mes livres, je fais aussi de la politique. Je raconte mon univers.

(Rémy Pagani a écrit " Les Beaux jours reviendront ", " Confession d’un commissaire de police ", " Entre chien et loup ", " Etrange ballade ")

entretien, Gauchebdo, Suisse, Avril 2007

France: La trinité trotskiste en campagne

Le jour viendra peut-être, en France comme ailleurs, où les communistes de toutes obédiences trouveront le chemin d’une conciliation ou d’une réconciliation. Il faudra espérer alors que leurs alliances ne réunissent pas des organisations et des partis fantomatiques ou exsangues, des militants fatigués par les luttes intestines et les évaluations catastrophiques des réalités marxistes du terrain. En attendant, quatre des douze candidats aux élections présidentielles françaises se réclament officiellement du marxisme : la communiste Marie Georges Buffet et trois trotskistes, Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière), Olivier Besancenot (Ligue Communiste Révolutionnaire) et Gérard Schivardi (Parti des Travailleurs).
Les électeurs, pour de nombreuses raisons, risquent de se détourner des candidats de la gauche combative le 21 avril, mais il sera toujours utile de constater le poids des votes contestataires et anticapitalistes que les candidats communistes auront cumulés. Ajoutés aux voix de l’altermondialiste José Bové, il n’est pas exclu que le PCF et l’extrême gauche constituent une force revendicatrice capitale dans les mois qui vont suivre. Ce seront peut être les électeurs progressistes qui dicteront aux partis la voie à suivre pour des alliances efficaces et pratiques.
Encore faudra-t-il que les organisations trotskystes règlent leurs différents. En attendant leurs candidats utilisent au mieux la vitrine électorale qui leur est offerte pour suggérer une société plus adaptée aux besoins des travailleurs.
Arlette Laguiller, contrairement à ce que ses détracteurs plus ou moins amusés affirment, ne se répète pas de campagne présidentielle en campagne présidentielle. Elle persiste à constater que les classes laborieuses françaises s’appauvrissent. Comme Olivier Besancenot, elle réclame une augmentation immédiate des salaires et particulièrement du SMIG. Et comme Besancenot, elle revendique une plus juste participation des travailleurs à la gestion de l’entreprise, une communication adaptée qui ne permettrait plus aux actionnaires de décider sur les seules bases de la rentabilité financière… Le message est complexe. Les sondages ne font plus d’Arlette, la diva de la gauche. Mais la dirigeante de Lutte ouvrière s’en tient à l’essentiel : distiller l’information auprès des travailleurs.
Besancenot, lui, a tendance à séduire les jeunes. La foule qui se presse à ses meetings est peu politisée, souvent attirée par le côté glamour du militant de la LCR, mais aussi par se façon d’exprimer les vérités, exemple à l’appui, sans fanfaronnade.
Le troisième internationaliste de service est le plus atypique. Gérard Schivardi n’est que soutenu par le Parti des Travailleurs (l’ex OCI ou trostkistes lambertistes pour les spécialistes) dont il ne serait pas membre. Pas membre, mais compagnon de route puisqu’il collabore à de nombreux mouvements du PT et de son leader, Daniel Gluckstein. Gérard Schivardi défend surtout les petites communes et les services publics.
Sur le terrain politique, c’est indubitablement Olivier Besancenot qui est à l’offensive, et pas seulement parce qu’il a le " look jeune ". Son discours est clair : Ségolène Royal se trompe de priorités et elle perdra les élections si elle ne se concentre pas sur les réalités sociales du pays. Il ne fait d’ailleurs pas de la victoire socialiste aux présidentielles, une absolue nécessité pour l’avenir.
François Hollande se gausse de la présence de trois candidats trotskystes. Sans doute, et c’est peut –être là le drame de cette campagne, parce que la gauche ne se contente pas des gestes et des discours alambiqués de Ségolène Royal dès que les réalités sociales sont en question. Buffet, Laguiller, Besancenot, Schiviardi, Bové, cela fait du monde pour constater que la candidature socialiste est tout sauf une candidature combative.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, avril 2007