samedi 21 avril 2007

France : Malika Zediri (PCF): " les gens nous reprochent la désunion de la gauche antilibérale "

Rebelle et loyale, Malika Zediri, conseillère régionale communiste d’Ile de France, a parrainé la candidature de José Bové et fait campagne pour Marie Georges Buffet pour les présidentielles. L’élue, qui avait souhaité une candidature unique de la gauche de la gauche, prévoit des lendemains qui déchantent pour les forces progressistes dont les opinions ne sont, dit-elle, plus comprises ou plus entendues dans les Cités de la région parisienne, sa " terre d’élection " : " les électeurs potentiels existent en nombre dans les Cités. De là à dire que les gens, et particulièrement les jeunes, vont voter, il y a de la marge. Et ceux qui voteront le feront dans tous les sens. La Cité est un morceau de France. Toutes les opinions s’y côtoient. Même les pires. La gauche n’y est pas en terrain conquis, contrairement à ce que beaucoup pensent. L’autre jour, sur la " dalle " de Choisy, les jeunes envisageaient l’ensemble de l’offre, de " pas voter " à Sarkozy en passant par le vote blanc. Dans le métro, un " black " me disait qu’il avait toujours voté à gauche mais que cette fois il n’était pas certain de son choix. Reste que la crainte de voir réapparaître Le Pen au second tour fait de l’effet : beaucoup voteront Ségolène Royal. Quand à la gauche de la gauche, même dans les municipalités où le PCF reste influent, elle n’est… " nulle part ". Le changement tel que nous le préconisons n’est pas en débat. Les médias jouent un rôle redoutable dans l’esprit de décision des électeurs, j’ai rarement vu ça. Les jeunes voteront pour les " vainqueurs " annoncés par les sondages. C’est sans doute absurde mais pas illogique dans leur conception du quotidien. Marie Georges Buffet avec ses deux pour cents annoncés est une " looser ". Les nouveaux électeurs veulent contribuer à une bataille de vainqueurs, au combat Sarko-Royal, ils veulent jouer à se faire peur avec la perspective d’un duel Sarko-Le Pen, ils veulent avoir de l’importance, que leur vote soit nécessaire… Ils se disent, comme tant d’autres en France, " essayons Bayrou, essayons le centre ".
Mener campagne sur le terrain semble dès lors compliqué pour les militants communistes et des autres organisations progressistes : " en dehors des grands meetings dans les grandes villes, il n’y a plus de gros rassemblements populaires, l’ambiance n’est pas gaie, il n’y a pas de débat sur le fond. Comme si l’électorat de gauche était… en panne. Les propositions de Marie Georges Buffet, le changement réel et efficace qu’elle préconise, ne trouvent pas " preneur " sur le terrain. Pas parce qu’elle ne défend pas les bonnes idées. Mais parce qu’elle ne fait pas rêver. Voilà le problème, nous ne faisons plus rêver. Tous les jours, je pratique la même approche auprès des gens : je prône en priorité l’opposition à Sarkozy et le Pen, ensuite, et ensuite seulement, je fais valoir le vote à gauche. Et je me retrouve presque toujours devant la même réaction : " vous êtes pitoyables avec vos divisions. On aurait soutenu un candidat unique de la gauche de la gauche. Ils se présentent à quatre, c’est minable. " Tout est dit… on roule contre la droite plus que pour notre candidate. Mais nous ne pouvons pas nous permettre d’être absents. L’avenir, les législatives, s’annoncent dramatiques, je le crains, pour le parti communiste. Nous devons nous attendre au pire. Et le pire sera que le Parti socialiste considère d’autres alliances, moins à gauche. Or le PCF ne tient que par ses onze mille élus, plus par ses structures militantes. Nous sommes malades de l’intérieur et nous n’avons pas réussi à nous unir avec les autres antilibéraux pour une échéance aussi symbolique que l’élection présidentielle, même si j’estime que c’est la LCR de Besancenot qui est responsable de l’échec d’une alliance de gauche. Les gens nous reprochent notre faiblesse..
Malika Zediri ne cache pas ses sympathies pour l’unité antilibérale, mais ne le souhaite pas désorganisée. Elle s’inquiète des velléités des amis de José Bové et des organisations trotskystes de présenter " par principe " des listes dans de nombreuses circonscriptions aux les élections législatives. Cela… confirmerait la marginalisation de la gauche combative et affaiblirait encore le parti communiste : " Personne n’est dupe, le PCF est à la merci du PS… qui sera peut être tenté par des alliances plus ou moins concrètes avec le centre. C’est la fin d’une époque. Si aux yeux des électeurs, le PCF est inclus dans " l’extrême gauche ", il perdra sa spécificité. Paradoxalement, je crois que des candidatures antilibérales unitaires pèseront sur le PS et lui éviteront de se " droitiser ". Cela évitera aussi la marginalisation du parti. Sinon les scores obtenus limiteront sensiblement notre influence pour les seconds tours. Nous sommes à un tournant de l’histoire du parti communiste en France. Ce n’est pas le score de Marie Georges Buffet qui est en question, c’est notre capacité de jouer un rôle efficace et influent dans la construction de la gauche de demain. "
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, avril 2007