jeudi 22 mars 2007

Suisse: A Gauche! Toute en débat, l’absolue nécessité

Il faudrait faire contre mauvaise fortune bon cœur. La défaite électorale d’AGT ! au Grand Conseil vaudois (5élus contre 11 dans la précédente législature) laisse perplexe de nombreux militants et dirigeants du PST. Les analyses de Christiane Jacquet et Josef Zisyadis dans Gauchebdo (16 mars) sont cohérentes, crédibles et rendent au tassement électoral une plus juste dimension. Il n’en demeure pas moins que les réflexions au lendemain des élections, et avant le deuxième tour de Josef Zisyadis pour le Conseil d’Etat, vont généralement dans le même sens : il est plus que nécessaire de consolider le Parti suisse du Travail et ses sections cantonales pour mieux asseoir la coalition de la gauche combative. A Genève, à la veille des élections municipales, l’alliance avec trois autres organisations (solidaritéS, les communistes, Indépendants de gauche) est un exercice délicat. La bonne volonté et la qualité des relations humaines entre les militants des partis garantissent souvent la cohésion et la cohérence de la plate forme. Mais politiquement il reste à harmoniser l’autonomie de chaque parti et l’unité nécessaire et pragmatique pour mener des luttes électorales au meilleur niveau.
Nelly Buntschu, conseillère administrative à Vernier affirme avoir été choquée par les résultats du canton de Vaud : " nous devons analyser le fonctionnement d’AGT !, discuter entre nous les conditions de l’alliance. Il y a eu, certes, une campagne trop personnalisée autour de Josef Zisyadis, ce qui a peut être mis sous l’éteignoir la campagne pour le Grand Conseil, mais nous ne sommes pas à l’abri d’une déconvenue, à Genève, si nous manquons de clarté. Plus que jamais, le PdT doit se positionner et exister, afin que la plate forme ait plus de poids. Si nous avons trop peu d’influence, l’unité au sein d’AGT ! en souffrira. "
Jean Spielmann, l’ancien président du PdT et ancien député rappelle la raison d’être d’un parti de gauche : " Nous devons parler politique, sans cesse, parce que le changement impose une information, une communication permanente des gens. La personnalisation d’une campagne, ce n’est pas notre tasse de thé. Nous ne sommes pas sensés faire comme les autres. L’élitisme est l’arme de la bourgeoisie… Nous, nous devons nous préoccuper des classes populaires et être un parti populaire. Nous ne remplissons plus cette mission. Nos alliances électorales ne s’en porteront que mieux si notre identité est forte. Retravaillons la base, l’essentiel, assurons la formation des militants pour qu’ils puissent exprimer publiquement et efficacement les projets que nous défendons. N’en déplaise à certains, nous devrions redevenir un parti communiste. Un parti modernisé mais ferme sur l’évidence : soutenir les plus défavorisés, les travailleurs, les classes laborieuses salariées ou non pour plus de justice sociale. "
En des termes plus modérés, Alain Bringolf, ancien président du Parti national, prône également la consolidation du message partisan : " J’ai été fâché et soucieux en apprenant les résultats vaudois. J’ai l’impression que AGT ! est une machine électorale sans conscience politique réellement exprimée, or, notre mission première est de rendre les gens conscients de la situation. A l’intérieur du parti, puis avec nos partenaires, nous devons engager un débat politique, voire idéologique, constant. Nous devons réfléchir. Nous ne l’avons pas assez fait et l’avenir dépendra de cette réflexion. "
" Réfléchir et communiquer précise Hans Braëm, membre de la direction du PdT. Au sein de l’AGT !, nos partenaires sont parfois plus médiatiques. Nous avons un handicap de communication qu’il faut corriger si nous voulons avoir toute notre place et toute notre influence dans la plate forme. C’est aussi une condition sine qua non pour un partenariat solide et serein. "
Partenaires attentifs
Les partenaires du PdT sont soucieux du résultat vaudois de la semaine dernière Pour reprendre une remarque du conseiller national Genevois, Pierre Vaneck : " nous sommes concernés… avec intérêt ". L’ancienne députée Salika Wenger est, comme à son habitude, plus directe : " je suis consternée par le problème de langage. Les gens ne se sont pas identifiés à nos discours dans le canton de Vaud. Nous devons veiller à identifier celles et ceux que nous représentons… "
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, mars 2007

jeudi 15 mars 2007

Genève : l’expérience du Parti du Travail dans A Gauche toute !

A Gauche Toute ! n’est pas un parti politique. Qu’on se le dise, redise et que l’on se conforte à l’idée que l’alliance des partis et organisations à la gauche du PS et des Verts est le fruit de connivences intelligentes et de projets ambitieux pour une Suisse moins égoïste. Pour le reste, à chacun sa voie. Le Parti du Travail à Genève ne renie rien de ses sensibilités historiques : les luttes pour plus de justice et de protection sociales, pour les droits des travailleurs, pour la solidarité internationale, pour une participation efficace à la gestion des cantons ou des villes, pour la culture populaire, pour les droit humains fondamentaux à un logement décent, une retraite digne, une éducation et une formation de qualité… Sans doute partage-t-il ces ambitions avec d’autres, mais depuis plus de soixante ans, il marque par son originalité et sa ténacité les actions menées en faveur des moins favorisés.
Dans la plateforme A Gauche Toute ! qu’il a appelée de ses vœux, le PDT investit avec prudence le poids de son expérience : A Genève, depuis 1944, le parti a directement contribué à la qualité de vie des citoyens, sans faillir, opposant vindicatif face à la droite souvent méprisante ou acteur et gestionnaire efficace au sein des coalitions de gauche. Le PDT est un partenaire loyal et attentif, un associé cohérent dont les élus et les militants, souvent discrets et concentrés sur leur travail et leur mission, cherchent le résultat sans effets de manche, sans arrogance.
C’est la recherche de l’efficacité qui a poussé les dirigeants du PDT à promouvoir l’idée d’une nouvelle plateforme de la gauche radicale. Il s’agit clairement d’empêcher la droite de ruiner les efforts des élus progressistes, de contrecarrer les concentrations financières entre le Canton et la Ville, de conserver à la Cité son esprit et ses forces, d’assurer la qualité de vie pour tous, vraiment pour tous.
La dynamique d’alliance des forces de gauche constitue somme toute un bon exercice pour se préparer à assurer l’administration de la ville… ou durcir une stratégie d’opposition. Pendant des mois les dirigeants et les militants de quatre organisations (solidaritéS, les Communistes, PDT, Indépendants de gauche) se sont découverts puis ont défini un discours, un programme minimum mais essentiel d’entente et d’objectifs communs. Ils mènent campagne sur cette base. Et prendront leurs responsabilités si les électeurs leur en donnent l’occasion. Dans les faits, la plateforme AGT ! est candidate, là où elle se présente dans le canton de Genève, à toutes les opportunités. En ville de Genève, le maintien d’une majorité de gauche avec les socialistes et les Verts est possible, d’autant que, preuve en est faite si besoin était, la gestion financière de la gauche est suffisamment sage pour permettre le développement d’une ville sociale et conviviale plus rassurante que la ville inquiète et inquiétante que promet la droite.
Le PDT a démontré que la seule priorité possible est le bien-être de la population par des actes et des faits. Les actes qui rendent la ville ouverte aux citoyens, nouveaux ou anciens,suisses ou immigrés, les faits qui assurent la sécurité publique dans le respect de chacun. Quand il s’agira, si la gauche est appelée à diriger la cité, de choisir le ou les conseillers administratifs, le PDT apportera une fois encore le fruit de son expérience pour soutenir le ou les candidats adéquats, issus de ses rangs ou proches et efficaces venus d’une autre composante d’AGT ! Mais la priorité du parti des travailleurs demeure l’efficacité et le respect de la parole donnée.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, mars 2007

France: Jean Marie Le Pen: le danger du mépris

La scène se passe dans un collège lorrain. Des élèves doivent donner un prénom à un personnage : " Jean Marie " dit une voix, " Jean Marie…Le Pen, yesssssssss " croasse un ado très propre sur lui. Une de ses condisciples, au look gothique, rétorque : " Le Pen, franchement t’as pas mieux à proposer ? ". L’autre insiste : " Le Pen a les idées propres, il vaut mieux que les gauchistes ou les communistes… ". " Sans les communistes, s’offusque la gamine, y aurait pas grand monde pour défendre les pauvres, les chômeurs et les travailleurs…y a des familles qui vivent avec 600 euros (1.000 francs) par mois ". " Impossible rigole le garçon, personne en France ne vit avec 600 euros. "
L’anecdote ne vous est pas rapportée avec une parfaite objectivité, mais les conclusions s’imposent : Jean Marie est un prénom parfois difficile à porter dans l’hexagone et la réalité de la misère n’apparaît pas à tous comme une évidence.
Le candidat du Front National mènera sa dernière campagne présidentielle (on peut décemment envisager que dans cinq ans, le candidat Le Pen soit une dame) jusqu’au terme accordé par les électeurs. Après avoir beaucoup larmoyé sur le risque de ne pas disposer des cinq cents parrainages d’élus, nécessaires à la candidature officielle, Monsieur le Pen a à peine minaudé quand Nicolas Sarkozy a appelé les maires de France à soutenir sa candidature, au nom de la démocratie. Il est vrai que la campagne n’aurait pas été orthodoxe si l’Extrême droite n’y était pas représentée. Désormais, on sait que la droite votera groupée au second tour. Le côté " canaillou anti-Etablissement " du Front National n’est crédible que l’espace d’un sourire.
En toute légitimité le candidat fasciste mènera campagne pour tenter de créer une nouvelle surprise comme en 2002. Parce que Jean Marie Le Pen est un adepte du fascisme, selon la définition d’Albert Camus : " toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme ".
Le sommaire du programme électoral de Jean Marie Le Pen suffit pour se persuader que l’extrême droite française a comme préoccupation le…malheur des gens. Au hit parade de ses 24 analyses et projets de société, l’immigration, la sécurité et la justice, la sécurité sociale, la santé, la famille et l’enfance occupent les premières places. Raisonnable à priori, mais ahurissant à la lecture : En toutes lettres, le programme de Jean Marie Le Pen suggère l’aide sociale et les allocation aux seuls français, une préférence nationale pour les prestations sociales, le Revenu minimum d’insertion (RMI) supprimé pour les étrangers, la fin du regroupement familial, l’arrêt de l’immigration, une politique d’assimilation, le rétablissement de la peine de mort, la fin des accords de Schengen, la maîtrise des frontières, un abaissement de la majorité pénale jusqu’à 10 ans dans certains cas, la création de 75.000 places dans les prisons… Une concentration de mauvaises idées en quelque sorte. En quatorzième position dans le programme de Jean Marie Le Pen, apparaît sa stratégie économique et budgétaire. Sans trop caricaturer la pensée de cet… antimondialiste chevronné, cet opposant à la " gouvernance mondiale ", il est raisonnable de constater que les réactionnaires français envisagent La Nation aux allures de village gaulois paumé au milieu d’une Europe en devenir…
Les sondages, cette " nouvelle façon de penser ", ne situent pas le chef du FN en embuscade pour espérer une place en finale. Lui, s’estime à " au moins 20% " et considère la popularité apparente de François Bayrou comme un effet de mode. Il est vrai que si les candidats à la présidentielle n’abordent pas les grands thèmes socio-économiques et de société, Jean Marie Le Pen pourrait encore attirer une clientèle blasée, déçue, perturbée et redevenir le fameux troisième homme.
Comparaison n’est pas raison, mais le programme lepéniste ressemble, parfois dans la lettre, en tout cas dans l’esprit, à ce que l’UDC propose aux Suisses. Et dans les deux cas, force est de constater que, effectivement, le mépris et la méchanceté attirent les électeurs.

France: Raymond Barre-à-mine

Raymond Barre, ancien maire de Lyon, ancien premier ministre français, s'offre une fin de vie à remous. En quelques phrases sur France Culture, il vient de pulvériser son record personnel de déclarations racistes et antisémites. En rajoutant une couche d'indécent respect à la mémoire de Maurice Papon, zélé commis de l'état vichyste puis de la République, et en attestant de la qualité humaine de Bruno Gollnish, bras droit de Jean marie Le Pen, condamné pour négationnisme, Raymond Barre rappelle que l'âge n'excuse pas tout. Il rappelle aussi, que l'extrême droite n'a pas le privilège de la bêtise humaine ou du racisme. Le danger est partout, surtout parmi celles et ceux qui se croient à l'abri du virus de la haine. Le racisme est la petite bête qui monte, qui monte, qui monte dans les esprits. C'est le dérapage assuré pour peu qu'une solution à un quelconque problème nécessite le rejet des autres... parce qu'ils sont autres.
Raymond Barre est bourgeoisement raciste, tranquillement antisémite. Pas beaucoup, un peu comme tout le monde... Juste ce qu'il faut n'est ce pas....
Personne n'est à l'abri. Pas plus nous, les progressistes que nos adversaires. Faut continuer le traitement. A vie.
RLr, Gauchebdo, Suisse, mars 2007

jeudi 1 mars 2007

France: Nicolas Sarkozy : Pas de tromperie sur la marchandise, mais publicité mensongère

Nicolas Sarkozy a une tête de premier de classe, une allure de premier de classe, un discours de premier de classe, l’assurance d’un premier de classe, des amis du premier de classe, et, malgré une prime jeunesse balbutiante pour prétendre au titre, il a effectivement « tout pour plaire » à ceux qui trouvent les premiers de classe jolis garçons par définition. De toute façon, l’idée d’être un français moyen lui serait, selon ses « hagiographes » les plus avertis, insupportable.
Sa scolarité fut sans éclat et, diplômé de droit, il ne marqua pas l’histoire du barreau parisien de son empreinte. Ne pas être brillantissime ne veut pas dire ne pas avoir le sens des affaires : Maître Sarkozy, avocat associé « non pratiquant » dans un cabinet spécialisé dans le droit immobilier perçoit sa part de profit année après année.
A 19 ans, Nicolas se lance en politique. A droite. Ce qui n’est pas tout à fait étonnant ou scandaleux si l’on veut bien considérer que son père, Paul Sarkozy de Nagybocsa, aristocrate hongrois, dont la famille possédait « terre et château » à 100 km de Budapest, avait choisi l’exil en 1944 quand son pays fut libéré par l’Armée Rouge. En politique donc, Le jeune Sarkozy, encore aux études, fait montre de qualités indéniables: un sens de l’arrivisme très vite affiné, une remarquable aptitude à se faire valoir et voir et un formidable talent pour se constituer les réseaux d’influences les plus adéquats. Dans ce domaine, c’est un doué. Il se fera les dents dans l’ombre de son grand homme, Charles Pasqua, gaulliste de droite, inénarrable ministre de l’intérieur, impliqué dans quelques uns des mauvais coups politico-financiers du XXème siècle, qui sera le témoin de son premier mariage en 1982. Les industriels et hommes de médias, Martins Bouygues et Bernard Arnault le seront à son second mariage, en 1996.
Conseiller municipal de Neuilly à 22 ans, maire à 28, député à 34, ministre à 38… comment rester modeste avec pareil palmarès? Il n’y arrive pas vraiment et se prend les pieds dans le tapis à quelques reprises: il choisit Edouard Balladur contre Jacques Chirac aux présidentielles de 1995, ce qui lui vaut l’inimitié du Président français en exercice et de ses amis; en 1999, il mène la liste du RPR à la débâcle aux élections européennes…

Alors, Nicolas Sarkozy a une idée de génie ; il prend du recul, il n’insiste pas. Il écrit même un livre : libre. Tout un programme. Quand il revient en politique, la droite a besoin de lui. Depuis 2002, Nicolas Sarkozy est le chevalier blanc, le « Monsieur Propre » qui montre de quel bois il se chauffe. Au point que la gauche le trouve un rien pyromane quand il s’agit d’éteindre le feu et maintenir l’ordre et la sécurité depuis le ministère de l’Intérieur.
Les français ont aimé. Sarkozy a été visible. Pas vraiment efficace, mais visible. C’est sa recette. Elle fonctionne. Elle risque même de fonctionner le 6 mai prochain, au terme du second tour de l’élection présidentielle. Catherine Nay, journaliste et biographe « folledingue » du président de l’UMP situe le débat : « Il est fait pour commander, impulser, décider. Mais son hyperréactivité, son impulsivité, ses émotions qu’il n’a jamais verrouillées, l’entraînent à être parfois trop hâtif dans ses jugements, à tenir des propos qui surprennent, à faire des promesses dont il n’a pas toujours mesuré la portée. Il lui arrive d’avouer en souriant : « Je suis mon meilleur ennemi ». Et la groupie d’ajouter:« Il avance sans masque. Avec lui, il n’y jamais tromperie sur la marchandise ». Certains observateurs, une formule choisie pour désigner les amis des candidats, en rajoutent une couche : « les français ont le choix entre une psycho rigide et un hyperactif ».
Heureusement il y a la politique : les candidats Sarkozy et Royal refont le monde de gauche à droite et de droite à gauche. Personne ne sait exactement ce dont ils sont capables, mais tout le monde a compris qu’ils lancent projets et promesses comme des confettis, sachant que personne ne collectionne les confettis. Sauf que, vu de gauche, une autre formule qui permet de marquer sa différence, Nicolas Sarkozy a quelques défauts rédhibitoires : il est réellement néo conservateur à l’américaine et les insuccès de cette philosophie ne le perturbent pas ; il confond pouvoir public avec pouvoir sur le public ; il est bêtement et inefficacement répressif ; Il est très légèrement paranoïaque quand il reconnaît avoir repris le ministère de l’Intérieur pour éviter les mauvais coups de ses alliés… et pour utiliser à son profit les services de renseignements liés au ministère; il use de son influence pour faire et défaire les carrières de ceux qui lui ont déplu, les journalistes par exemple…
Pour le reste, malgré tout ce qu’il dit, Sarkozy ne propose rien de plus que de maintenir la droite française au pouvoir en augmentant la puissance des grands financiers et l’influence de la bourse.
Comme dirait Catherine Nay : « Avec lui, il n’y a jamais de tromperie sur la marchandise »… Les armoiries de famille Sarkozy de Nagybocsa sont « un loup orné d’un cimeterre ». Ca ne s’invente pas.
Ron Linder, Gauchebdo, Mars 2007

Italie : Ne pas désespérer les progressistes

La loyauté politique est complexe. En Italie, la semaine dernière, deux sénateurs communistes n’ont pas voté les motions gouvernementales relatives à l’extension d’une base américaine à Vicense et le maintien du contingent italien en Afghanistan. Romano Prodi, le premier ministre centriste de la très large coalition qui dirige le pays a immédiatement présenté la démission de son gouvernement. Ce n’était pas nécessaire, mais à l’analyse, cela lui a été très utile. Quand mercredi soir, Monsieur Prodi a demandé et obtenu la confiance du Sénat, il avait en poche un accord de gouvernement qui rogne les ambitions sociales et pacifiques de ses alliés de la gauche radicale, Rifondazione comunista, Verdi et Comunisti italiani. Le baroud d’honneur des deux sénateurs s’avérait-il être une erreur politique qui remet en question les stratégies en faveur d’une meilleure politique sociale au sein de l’Unione, comme le soutient la direction de Rifondazione comunista? Possible. Mais n’est-il pas difficile de jeter la pierre à des hommes de conviction, fatigués, depuis neuf mois, au nom de la cohésion d’une majorité de 9 partis, qui fait en permanence le grand écart entre le pire et le meilleur, d’avaler des couleuvres dans les domaines dans lesquels ils sont directement engagés?
La gauche radicale italienne est en difficulté. Si le gouvernement Prodi devait tomber à court terme – les Italiens ne parieraient pas un cent sur son avenir selon de récents sondages-, elle serait vouée aux gémonies par les antiberlusconiens. Mais si elle continue à cautionner la politique peu sociale, atlantiste, conservatrice que Prodi conduit tant bien que mal, elle désespérererait les progressistes.
Le premier ministre disait récemment : « le gouvernement ne manifeste pas contre lui-même » pour dissuader les partis de gauche de s’opposer publiquement à l’agrandissement de la base américaine. Voire. La liberté politique que s’octroierait la gauche réelle sera peut –être la meilleure manière de situer le débat : Unis contre le retour de Berlusconi et des organisations fascisantes qui l’entourent à la tête de l’état, mais pour une politique populaire imposée par la base dont les élus communistes et verts ne sont que les représentants. L’Unione est une coalition tellement contre nature qu’il n’est pas insensé d’admettre que le gouvernement puisse « manifester contre lui-même ».
Ron Linder, Gauchebdo, mars 2007