jeudi 15 mars 2007

France: Jean Marie Le Pen: le danger du mépris

La scène se passe dans un collège lorrain. Des élèves doivent donner un prénom à un personnage : " Jean Marie " dit une voix, " Jean Marie…Le Pen, yesssssssss " croasse un ado très propre sur lui. Une de ses condisciples, au look gothique, rétorque : " Le Pen, franchement t’as pas mieux à proposer ? ". L’autre insiste : " Le Pen a les idées propres, il vaut mieux que les gauchistes ou les communistes… ". " Sans les communistes, s’offusque la gamine, y aurait pas grand monde pour défendre les pauvres, les chômeurs et les travailleurs…y a des familles qui vivent avec 600 euros (1.000 francs) par mois ". " Impossible rigole le garçon, personne en France ne vit avec 600 euros. "
L’anecdote ne vous est pas rapportée avec une parfaite objectivité, mais les conclusions s’imposent : Jean Marie est un prénom parfois difficile à porter dans l’hexagone et la réalité de la misère n’apparaît pas à tous comme une évidence.
Le candidat du Front National mènera sa dernière campagne présidentielle (on peut décemment envisager que dans cinq ans, le candidat Le Pen soit une dame) jusqu’au terme accordé par les électeurs. Après avoir beaucoup larmoyé sur le risque de ne pas disposer des cinq cents parrainages d’élus, nécessaires à la candidature officielle, Monsieur le Pen a à peine minaudé quand Nicolas Sarkozy a appelé les maires de France à soutenir sa candidature, au nom de la démocratie. Il est vrai que la campagne n’aurait pas été orthodoxe si l’Extrême droite n’y était pas représentée. Désormais, on sait que la droite votera groupée au second tour. Le côté " canaillou anti-Etablissement " du Front National n’est crédible que l’espace d’un sourire.
En toute légitimité le candidat fasciste mènera campagne pour tenter de créer une nouvelle surprise comme en 2002. Parce que Jean Marie Le Pen est un adepte du fascisme, selon la définition d’Albert Camus : " toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme ".
Le sommaire du programme électoral de Jean Marie Le Pen suffit pour se persuader que l’extrême droite française a comme préoccupation le…malheur des gens. Au hit parade de ses 24 analyses et projets de société, l’immigration, la sécurité et la justice, la sécurité sociale, la santé, la famille et l’enfance occupent les premières places. Raisonnable à priori, mais ahurissant à la lecture : En toutes lettres, le programme de Jean Marie Le Pen suggère l’aide sociale et les allocation aux seuls français, une préférence nationale pour les prestations sociales, le Revenu minimum d’insertion (RMI) supprimé pour les étrangers, la fin du regroupement familial, l’arrêt de l’immigration, une politique d’assimilation, le rétablissement de la peine de mort, la fin des accords de Schengen, la maîtrise des frontières, un abaissement de la majorité pénale jusqu’à 10 ans dans certains cas, la création de 75.000 places dans les prisons… Une concentration de mauvaises idées en quelque sorte. En quatorzième position dans le programme de Jean Marie Le Pen, apparaît sa stratégie économique et budgétaire. Sans trop caricaturer la pensée de cet… antimondialiste chevronné, cet opposant à la " gouvernance mondiale ", il est raisonnable de constater que les réactionnaires français envisagent La Nation aux allures de village gaulois paumé au milieu d’une Europe en devenir…
Les sondages, cette " nouvelle façon de penser ", ne situent pas le chef du FN en embuscade pour espérer une place en finale. Lui, s’estime à " au moins 20% " et considère la popularité apparente de François Bayrou comme un effet de mode. Il est vrai que si les candidats à la présidentielle n’abordent pas les grands thèmes socio-économiques et de société, Jean Marie Le Pen pourrait encore attirer une clientèle blasée, déçue, perturbée et redevenir le fameux troisième homme.
Comparaison n’est pas raison, mais le programme lepéniste ressemble, parfois dans la lettre, en tout cas dans l’esprit, à ce que l’UDC propose aux Suisses. Et dans les deux cas, force est de constater que, effectivement, le mépris et la méchanceté attirent les électeurs.