jeudi 22 février 2007

France: Bayrou…le cheval de Troie de la droite?

Le théorème politique de Bayrou existe : le centre est la gauche extrême de la droite et la droite extrême de la gauche . C’est l’option graphique du phénomène. Sa version physique étant le centre émerge quand ses extrêmes immergent.
Dans les faits, outre les sondages auxquels il croyait peu naguère, et sans doute trop aujourd’hui, François Bayrou, chef peu contesté des démocrates chrétiens français, n’a absolument aucune assurance que son O.P.A. (offre public d’achat) sur un électorat modéré peu enthousiasmé par les performances du duo Royal-Sarkozy, fonctionne à plein rendement. Le centre est le lieu politique au sein duquel il est possible d’envisager un peu de tout pour peu que la gauche et la droite ne proposent rien ou pas grand-chose.

Le candidat Bayrou est indéniablement humaniste, ouvert, contradictoire sans complexe. Il ne fait pas le bilan de ses balbutiements politiques dans l’ombre de Giscard d’Estaing, des années passées dans le gouvernement de Balladur où il tenta, en vain heureusement, d’augmenter le financement de l’enseignement privé, de son hostilité au parti socialiste aux grandes heures des coalitions mitterrandiennes (parce que, dit-il, « je ne pouvais pas m’associer à un parti allié aux communistes ») ou de son soutien, certes critique mais bien réel aux gouvernements au sein desquels trônait Nicolas Sarkozy. François Bayrou n’est pas puceau. C’est déjà un vieux cheval sur le retour et vu de gauche, franchement, il n’assure pas plus un lendemain qui chante que les autres favoris de la campagne présidentielle française. Son parti, l’UDF, propose à la fois l’augmentation de la TVA et l’augmentation organisée des exonérations des charges fiscales pour les entreprises. Alors le candidat Bayrou parle surtout des autres, de ses meilleurs ennemis, Royal, Sarkozy dont les prestations font et défont son optimisme. Il se dit peut-être qu’au pays des aveugles, les borgnes sont rois, que l’arrogance du ministre de l’intérieur et les mauvaises recettes de Ségolène en campagne feront la différence. Il s’est désormais persuadé qu’il est « le troisième homme », que Jean Marie Le Pen est largué à la fois dans les sondages et dans le cœur des mécontents. C’est un optimiste François Bayrou, il faut lui reconnaître cette formidable qualité : il doute de pas grand-chose. Au point que certains de ses amis le craignent plus velléitaire qu’optimiste en fin de compte. Parce que s’il ne gagne pas, et il n’est pas totalement idiot de considérer cette possibilité, il devra négocier, avec l’UMP, l’existence d’un groupe parlementaire UDF. Cela risque d’être ennuyeux pour celui qui verrait bien le très social-libéral, mais socialiste quand même, Stauss Khan à la tête de son gouvernement.
A moins que ce ne soit de la stratégie, que Bayrou soit le cheval de Troie de la droite, que ses coups à gauche ont porté des fruits au sein des bastions de la social démocratie, dans l’enseignement, les services publics… Il adore les chevaux, François. Ils devraient se méfier dans les hautes sphères socialistes d’un Bayrou Machiavel ?

Pour la gauche de la gauche, Bayrou n’est pas un candidat de droite ou du centre comme les autres. S’il devait effectivement se rapprocher du PS, les sociaux démocrates trouveraient un allié de poids pour rejoindre les autres partis du centre-gauche européen, qui, depuis longtemps ont marginalisé les communistes et les organisations progressistes au profit d’alliances « modernes » avec les centristes ou la droite. Plusieurs élus socialistes et centristes ne cachent plus leurs affinités. Ségolène Royal n’a pas cité une fois le mot socialisme dans son discours historique de Villepinte. Les forces progressistes mènent une campagne timorée. La balle est au centre… Et le centre n’est définitivement pas à gauche. Ceux qui, comme François Bayrou, expliquent qu’il faut mettre un terme au clivage gauche-droite, indiquent surtout que le libéralisme-social est la réponse européenne aux questions existentielles. Ils ne disent pas combien seront les laissés pour compte.
Ron linder
Gauchebdo, Suisse, Février 2007