vendredi 22 juin 2007

Israël-Palestine: Libérez Marwan Barghouti !

L’histoire se fait mais ne se défait pas. Le putsh militaire et la prise de pouvoir du Hamas à Gaza n’étaient pas inscrits sur les tablettes des moyen orientalistes les plus avertis. L’animosité entre les bras armés des islamistes et du Fatah avait pris des proportions dramatiques ces dernières semaines, mais la volonté de maintenir un positionnement légitimiste et légaliste, de part et d’autre, semblait acquise. Le scénario catastrophe ne correspondait pas à la réalité du terrain et d’aucuns à Gaza envisagent de curieuses analyses pour comprendre ou faire admettre que 1.300.000 personnes vivent depuis quelques jours sous le joug de bandes armées se réclamant du Hamas, mais n’obéissant pas ou très moyennement à un commandement unique. Certains s’inquiètent de la débandade des troupes de sécurité palestiniennes abandonnées à elles-mêmes, sans consignes ou sans ordres, mais en principe mieux armées et mieux organisées. D’autres croient en une magistrale bavure, un " accident de parcours " des islamistes qui n’étaient pas sensés investir le quartier général des troupes de l’Autorité palestinienne au centre ville, et par là même, occuper de facto militairement toute la bande de Gaza. Le Président Abbas dénonce, lui, un coup d’Etat soutenu depuis l’étranger.

Il ne peut y avoir deux Palestine"s"
Les Etats-Unis, l’Union européenne et Israël se sont sentis pousser des ailes pour soutenir Mahmoud Abbas et le nouveau gouvernement qu’il a désigné dans l’urgence. Puisque la coalition d’union nationale dirigée par Ismaël Haniyeh, le dirigeant du Hamas, est rejetée par le Président qui estime impossible de poursuivre le dialogue inter palestinien, les Occidentaux oeuvrent pour la reprise des rencontres et des négociations directes entre Palestiniens et Israéliens. Par la même occasion, les fonds promis ou dus aux Palestiniens et bloqués depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas, seraient à nouveau disponibles. Les médias occidentaux insistent sur l’existence, désormais, de deux Palestines, une islamiste et une autre qu’ils qualifieraient presque de pro-occidentale. Le problème étant qu’il n’y a pas encore une Palestine, et que si elle devait enfin voir le jour, elle serait identique à Gaza et Ramallah. Le Président Abbas est le chef de l’Autorité Palestinienne, mais surtout en charge du peuple de Palestine à Gaza ou Ramallah. Le Hamas est un interlocuteur dont il n’est pas possible de faire fi. Un interlocuteur dont les sbires se sont comportés comme des bandes fascistes s’attaquant aux institutions, mais un interlocuteur dont la légitimité populaire est indéniable. Ce ne seront pas les Israéliens ou les Américains qui aborderont le problème qui fera sans doute imploser la société palestinienne. Et personne ne fera la paix sans avoir résolu d’une manière ou d’une autre le problème posé à Gaza.

Une solution politique existerait...dans les prisons d'Israël
Israël est en mesure de montrer que sa bonne volonté éventuelle à l’égard des Palestiniens ne vise pas uniquement à remercier George Bush et son administration à l’occasion de la signature d’un nouvel accord décennal fixant l’aide militaire américaine à plus de 2,5 milliards de dollars par an. En libérant Marwan Barghouti, condamné à la prison à vie…plus quarante ans, l’état hébreu rendrait aux Palestiniens l’homme le plus à même de contribuer à une solution politique entre le Hamas et le Fatah dont il est issu, puis entre les Palestiniens unis et Israël. Barghouti compte parmi les dirigeants les plus populaires partout en Palestine et en Diaspora. Il fut homme de guerre, il est homme de paix, appelant sans relâche les Palestiniens à négocier leur avenir sans perdre leur dignité. Et avec Barghouti, des centaines d’autres prisonniers, militants du Fatah et du Hamas pourraient, s’ils étaient libérés, assurer le dialogue entre les belligérants. En attendant, la première mesure prise par les autorités israéliennes après le coup d’état à Gaza, fut de séparer les prisonniers selon leur appartenance au Hamas ou au Fatah sans que le moindre conflit entre eux n’ait vu le jour.
Pour la paix, Israël doit prendre le risque d’aider la Palestine, de la respecter. Mahmoud Abbas, seul, est en grand danger. Et la tentation d’Israël et des Américains d’en faire leur jouet est suicidaire.

Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, Juin 2007