jeudi 7 juin 2007

Israël-Palestine…messianisme coupable ?

Naïm Khader, directeur du Centre D’Etude du Monde Arabe Contemporain, à Louvain-la-Neuve en Belgique évalue pour Gauchebdo les retombées et les suites de la Guerre des six jours de 1967.

Israël était-il condamné à faire la guerre en 1967 et pourquoi avoir compliqué sa victoire d’une occupation?
L’Histoire retiendra que c’est Tsahal (l’armée israélienne) qui a déclenché le conflit contre l’Egypte au terme d’une période de forte tension régionale. Mais l’Histoire retiendra surtout les conséquences du conflit: l’Etat d’Israël a occupé un territoire quatre fois plus grand que le sien, un territoire peuplé. Il était alors possible de monnayer la victoire militaire. Certains dirigeants israéliens étaient hostiles à l’idée d’une occupation à long terme de la Cisjordanie ou de Gaza. Mais la majorité d’entre eux, et particulièrement les militaires, sont tombés dans le pire des pièges, celui de la folie des grandeurs auquel s’ajoutait une vision irrationnelle de la réalité sur le terrain. En peu de temps, cette occupation, particulièrement en Cisjordanie a pris des dimensions messianiques.
Comment se fait-il que l’existence d’une population nombreuse dans les territoires occupés et tout ce que cela impliquait comme logistique et comme stratégie, en 1967 n’ait pas inquiété les dirigeants israéliens ? La Cisjordanie et Jérusalem-Est n’étaient pas des objectifs au premier jour de la guerre…
Israël n’était pas en danger en 1967. Les généraux le savaient. Le monde entier l’ignorait. Les Israéliens ont réussi une formidable action de propagande pour gagner la sympathie des opinions publiques. Mais ce que, curieusement leurs meilleurs spécialistes n’avaient pas pris en considération, c’était l’existence des Palestiniens. En 1967, moins de vingt ans après la création de leur état sur une partie du sol de la Palestine, les Israéliens entrent en contact avec une population qui subsistait dans l’anonymat. Le mythe de l’invisibilité palestinienne, du territoire sans habitants, auxquels avaient tant voulu croire les fondateurs de l’Etat juif, ce mythe s’effondre. Et les effets pervers de la victoire militaire mais surtout de l’occupation apparaissent peu à peu. C’est le réveil du peuple Palestinien. La défaite arabe est un électrochoc. Les Palestiniens comprennent enfin qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Ils vont tant bien que mal s’organiser et s’identifier au Fatah de Yasser Arafat et à l’Organisation de Libération de la Palestine.
On dit aujourd’hui que la guerre des six jours n’est pas finie ?
Elle ne l’est pas. Elle est même, d’un point de vue militaire, dans une phase de dangerosité supérieure à jamais. Avec la défaite de Nasser, s’effondrait l’idée de l’arabisme séculier qui s’était développé dans les années 50 et 60. Il y eut un vide idéologique dans les années 70, et c’est dans ce vide que l’islamisme s’est engouffré.
En Palestine, Yasser Arafat et le Fatah développaient cette idée de l’identité nationale et du sécularisme. Et ce sont les Israéliens qui ont contribué au renforcement des tendances islamistes en Palestine, pour abattre le Fatah et son chef. Ils ont " promu " en quelque sorte le Djihad et le Hamas... un peu comme les Américains en Afghanistan qui avaient soutenu les organisations islamiques contre le régime pro soviétique de Najibullah. Ces volontaires anticommunistes ont constitué la base d’El Queïda.
La question palestinienne n’est plus la seule qui puisse assurer la paix dans la région…
La pacification du Moyen Orient passe en priorité par la résolution de la question palestinienne, parce que, d’une manière ou d’une autre, tout est parti de là. Les conflits en cours dans la région et même au-delà détournent les belligérants et le monde de l’essentiel. La paix, si la paix est possible, passe par la Palestine.
propos recueuillis, Gauchebdo, Suisse, Juin 2007