samedi 2 juin 2007

Procès kafkaïen à Beyrouth

Pacifier le Liban, relève d’un vœu pieux ou plus prosaïquement d’une improbabilité cyniquement exprimée.
Une résolution des Nations Unies a été votée établissant un " tribunal spécial mixte " pour juger les responsables de l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafik Hariri. Les autorités syriennes sont directement visées. Le chapitre VII de la charte de l’ONU sur lequel repose la constitution du tribunal spécial, autorise un recours à la force si, par exemple, la Syrie s’opposait au bon déroulement du procès. Les partis politiques libanais divisés sur les conditions du fonctionnement d’un tel tribunal, c’est l’ONU qui en a décrété la création.
Beaucoup de Libanais applaudissent à la décision du Conseil de Sécurité. Beaucoup d’autres s’inquiètent à l’idée que le pays soit à nouveau divisé.
Pendant ce temps, dans le nord du pays, un groupuscule armé, islamique, non palestinien, affronte l’armée libanaise dans un camp de réfugiés palestiniens, Nahr A-Bared… On compte les morts par dizaine et comble de l’absurdité, les réfugiés se réfugient par milliers dans un autre camp de réfugiés.
Le Liban peine à devenir ce que ses citoyens voudraient qu’il soit..
A moins de résoudre la question palestinienne dont le problème des réfugiés posé depuis 1948, le conflit intérieur entre le Hamas et le Fatah, l’œuvre destructrice des troupes israéliennes qui entraîne l’étranglement de l’économie et de l’administration, les camps de réfugiés au Liban ne se videront pas. Ils constitueront encore et toujours un Etat dans l’Etat. Un Etat misérable dans un Etat fragile.
A moins d’empêcher le gouvernement israélien d’intervenir sur le territoire libanais, le Hezbollah pèsera lourdement et légitimement sur la vie publique du pays, au nom de la résistance et dans un contexte d’alliance objective, idéologique et pratique avec l’Iran et la Syrie. Parce que sur la frontière israélo-libanaise s’affrontent des combattants mais aussi et surtout deux conceptions du monde. Les politiciens à Beyrouth n’ignorent pas que les cartes d’Etat major ne sont pas les mêmes à Damas. Un accord de paix entre Israël et la Syrie est la condition sine qua non pour que la géopolitique régionale rende le Liban moins stratégiquement attrayant.
Et si les Américains ne rendent pas l’Irak aux Irakiens, sans omettre les exigences des Kurdes dont l’autonomie sera contestée par la Turquie ou la Syrie, si les ambitions nucléaires iraniennes ne sont pas rencontrées pacifiquement, le Liban ne sortira pas de l’ornière..
Le tribunal spécial de l’ONU traitera-t-il de toutes ces péripéties pour évaluer les responsabilités lors du procès sur l’assassinat de Rafik Hariri ?
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, mai 2007