samedi 2 juin 2007

Europe: La gauche à toutes les sauces du libéralisme

Le recentrage des partis socialistes en Europe sera peut-être l’opportunité pour rebâtir une gauche combative efficace.

Les gauches européennes, parfois en état de décomposition, souvent prisonnières de contradictions essentielles, envisagent sans complexe de se recentrer " à la gauche de la droite " dans des efforts alambiqués de modernisation au nom de l’efficacité et du réalisme imposés par… les lois du marché. La fameuse " théorie " du " ni droite ni gauche " - suicidaire pour les forces progressistes revendicatrices, rassurante pour les citoyens installés dans l’idée du consensus sociétal, nécessaire pour les puissances conservatrices et libérales soucieuses d’en finir avec la confrontation sociale – marque le continent de son empreinte. Les travaillistes britanniques, les socio démocrates allemands, leurs collègues espagnols, belges, luxembourgeois, néerlandais, autrichiens, nordiques, grecs et d’autres encore professent les mérites du réformisme, rejetant, dans le fond sinon dans les formes, les références au marxisme au profit d’une doctrine harmonisant, dans la mesure du possible, l’humanisation de l’économie de marché mondialisée et l’idée, pérenne mais réactualisée au gré des réalités économiques, de l’Etat-providence. Généralement, ces partis se situent au centre gauche de l’échiquier politique : socio démocrates, certes, mais aussi socio libéraux, libéraux sociaux, chrétiens sociaux parfois. Une partie importante de la gauche italienne (DS), composée majoritairement des membres de l’ancien parti communiste (PCI) vient renforcer cette tendance au recentrage : en s’alliant aux catholique modérés, elle crée le Parti Démocrate. Silvio Berlusconi, invité au congrès des DS ne cachait pas son enthousiasme : " j’ai entendu un positionnement social démocrate qui, sur certains points est carrément libéral… Si c’est ça le Parti Démocrate, je suis prêt à m’y inscrire aussi. "
Les encouragements à envisager la création d’une grande formation de centre gauche après la victoire de Nicolas Sarkozy en France, et l’apparent démantèlement électoral des partis de la gauche combative, se précisent. Le bipartisme, l’américanisation – devrait on dire la simplification- du débat politique est à l’ordre du jour. Les résistances semblent affaiblies, l’impact des scrutins personnalisés et médiatisés autorise une approche pratique, efficace… simplifiée de la politique.

Demain la Gauche ?
Tout irait donc mal pour la gauche ? Oui si l’on s’en tient aux chiffres. Partout en Europe, les résultats électoraux des partis progressistes sont, au mieux, modestes, leur influence quasi nulle. Leurs positionnements sur le terrain social ou associatif sont réduits. Les syndicats qui n’épousent pas les thèses réformistes des socio démocrates, stagnent. Pourtant l’état des lieux serait incomplet si la perspective d’une grande alliance de gauche, réellement à gauche, indubitablement marxiste, réaliste et moderne, sociale, féministe, écologique, n’était pas prise en considération. En Allemagne avec le Linkspartei, En Italie, avec les dissidents de la DS et le parti de la Refondation communiste, en France avec l’aile gauche – non négligeable- du PS et les forces de gauche en reconstruction, aux Pays Bas ou en Belgique, il existe à la fois des espaces politiques et des besoins confirmés à la gauche des socio démocrates pour des rassemblement progressiste enfin digne de ce nom.
Le cas de la Suisse est particulier, le morcellement cantonal rend l’évaluation des forces plus complexe, mais il est évident qu’au sein du PS cohabitent les mêmes tendances sociales démocrates, sociales libérales et socialistes de gauche. Le PS n’est pas à l’abri d’appels centristes… et son aile gauche restera sans doute attentive au maintien des valeurs de progrès.
Pour les progressistes suisses, comme dans le reste de l’Europe, plus que jamais, l’intelligence doit être au pouvoir. Parce qu’il faudra répondre aux besoins des gens quand le capital grappillera encore un peu plus de terrain social, culturel… vital.
Le Parti suisse du Travail a été créé il y a plus de soixante ans par des socialistes et des communistes précisément. Quand les conditions l’imposent, les gens de progrès trouvent les moyens de l’action.
Ron Linder, Gauchebdo, Suisse, mai 2007