jeudi 7 juin 2007

Une histoire palestinienne

Chaker Al Abbsi aimait jouer au tennis de table. Il était plutôt bon élève et fréquentait l’école de Wehdat, dans la banlieue d’Amann en Jordanie. Plus tard, il tenta une école de médecine pour finalement se consacrer à une formation d’aviateur. Voilà l’histoire presque banale d’un homme intelligent qui fait son chemin. Sauf que ce chemin a mené Chaker Al Abbsi dans un faubourg de Tripoli au Liban où il commande le Fatah al-Islam, ce groupe armé islamique réfugié dans un camp palestinien pilonné par l’armée libanaise. L’histoire de Chaker, c’est l’histoire de la dérive et du désespoir des hommes et des femmes qui croient, pensent ou constatent n’avoir plus rien à perdre. Chaker Al Abbsi est né dans un camp palestinien près de Jéricho en Cisjordanie qu’il quitta avec sa famille pour la Jordanie au lendemain de la guerre des six jours. Son frère, Abdel Razak, un médecin, a raconté au Monde le parcours de ce terroriste patenté qui contribue aujourd’hui à la déstabilisation du Liban.
C’est une histoire palestinienne. Pas la plus belle. Désespérante et désespérée. Chaker a été membre du Fatah qui lui organisera sa formation de pilote en Lybie, pays dont il deviendra citoyen. Il combattra contre les Israéliens en 1982 au Liban puis se retrouvera instructeur pour pilotes de chasse au Yémen du Nord. " Le djihadisme international n’attirait pas Chaker", dit son frère… C’est l’histoire d’une frustration permanente, d’une humiliation systématique qui rend les Hommes fous et furieux. Chaker Al Abbsi n’a pas échappé à la règle. Il trouva refuge dans la religion puis dans l’excès de religion. Il ne correspond pas, loin s’en faut, au " Palestinien moyen " mais il est emblématique du " damné de la terre " au propre comme au figuré. Les Palestiniens vivent dans la misère : 1.300.000 personnes sur une population de 3.700.000 vivent avec moins de 2,4 dollars par jour. Entre un quart et la moitié de la population en âge de travailler est sans emploi. Israël retient 700 millions de dollars de droits d’imposition appartenant à l’Autorité palestinienne. Certains fonctionnaires ne sont plus payés depuis des mois. Les Palestiniens de Gaza ne peuvent séjourner en Cisjordanie. Jérusalem-Est est fermée à pratiquement toute la population palestinienne… Les territoires palestiniens autonomes sont l’ombre de ce que les accords d’Oslo avaient prévus… Et puis il y a le mur qui brise la Palestine à la quelle plus personne ne semble croire. " Mon rêve, dit Ranya Madi, l’animatrice de l’ONG PADIL, une organisation de soutien aux réfugiés, c’est un pays pour deux peuples et si je m’en tiens aux réalités, je ne suis plus tellement plus utopiste que ne le sont ceux qui croient à deux états côte à côte. Au moins, dans un pays commun, l’idée du retour des réfugiés palestiniens sur leur terre sera réaliste. "
Israël ne veut pas la paix. Pas la paix pour tous, pas la paix des braves qu’espérait Yasser Arafat. Ni même celle qu’Itzkhak Rabin avait signée à Oslo en 1993.
Potentiellement, il existe des Chaker Al Abbsi parmi les colons et leurs alliés de l’extrême droite israélienne. Mais un terroriste haineux agissant sur ordre, en uniforme homologué par l’ONU, au nom d'une quelconque légitimité antiterroriste, fait moins mauvaise figure qu’un islamiste haineux.
En 1967, Israël a peut–être perdu son âme. Personne ne semble vouloir l’aider à la retrouver. Les pacifistes israéliens sont plus que jamais isolés.